Presque rien sur presque tout : la chronique


Ça vient comme ça. Vous avez juste envie d’écrire. Ça ne sera pas un roman, pas même une nouvelle. Juste un truc qui vous passe par la tête, ou qui vient de vous arriver, ou sur lequel vous éprouvez le besoin de revenir, ou autre chose. Pas de panique, c’est la chronique ! Vous êtes intellectuellement irréprochable, vous avez un métier : chroniqueur. Après ça, qu’on ne vienne pas vous demander pourquoi vos vêtements ne sont pas suspendus à des cintres (ce mot me met mal à l’aise). Ou pourquoi il n’y a rien dans votre garde manger. Un jour où il ne restait plus, dans le réfrigérateur de la personne qui m’hébergeait, que du roquefort et du melon, j’ai associé les deux et c’est devenu mon entrée préférée. Sans la chronique, pas de melon au roquefort ! L’air de rien, je suis entrain d’écrire une chronique sur la chronique. Ni plus ni moins. La chronique du temps qui passe (la formule est déjà prise par Jean d’Ormesson, j’ai regardé sur internet, je pense que ce sous-titre est une idée de l’éditeur, c’est trop banal). Tous les tons et styles sont permis. Soutenu, bavardage, absurde, onirique, érudit, journalistique, escroc, racoleur… Il faut juste qu’il soit raccord avec le sujet. Et avec l’intention, s’il y en a une. Inutile de s’embarrasser de structures, de chutes, de parties. Faites comme bon vous semble, donnez sa chance au sujet !

Bibliographie :

  • À se tordre : histoires chatnoiresques (1891), Deux et deux font cinq (1895), etc. Alphonse ALLAIS
  • Le parti pris des choses (1942) Francis PONGE
  • Un regard unique sur l’impressionnisme (1944) Félix FENEON
  • Exercices de style (1947) Raymond QUENEAU
  • Chroniques (1954-2003) Françoise SAGAN
  • Les girls du City-Boum-Boum (1975) Vassilis ALEXAKIS
  • La première gorgée de bière (1997) Philippe DELERM
  • Positions sur l’amour (1997) Lionel KOECHLIN
  • Je m’attache très facilement (2007) Hervé LETELLIER
  • Les messieurs (2016) Claire CASTILLON

Vont suivre différentes chroniques, a priori variées, et de qualité très inégales ; sauf si vous me dites le contraire.

Vous avez le choix :

La barbe à papa

On hésite… Et puis pourquoi pas ! On n’y a jamais goûté mais la petite en a tellement envie. Elle non plus n’y a jamais goûté, c’est la raison de sa curiosité, c’est tout naturel. Chez nous cette curiosité s’est lentement transformée en une peur de l’objet défendu, jusqu’à devenir une aversion d’adulte raisonnable.

Allez, d’accord ! Et l’on reste là, dans l’odeur vaguement écœurante du sucre parfumé, à observer le vieil homme qui n’en finit pas d’ajouter des couches de ouate aux couches de ouates autour du maigre bâton, comme ces poupées de gaze que nos parents confectionnaient autour de nos doigts blessés.

Il semble qu’aucune matière première ne soit sollicitée… Mais une flamme fibreuse soudain rosie sur les parois en aluminium de la centrifugeuse, prestement mise en plie par le mouvement de rotation incessant imprimé à la fine tige par les doigts experts de l’artificier.

Bientôt c’est un véritable nid de guêpes aux strates adhérentes, à la fois résistant, aéré et compact, que le magicien tend à l’enfant le plus proche.

Pour deux euros on s’attendait à faire l’acquisition d’un objet provisoire mais l’on est surpris tout de même par tant de légèreté. Sans doute à cause du volume de cette permanente éphémère qu’il faut porter devant soit comme une oriflamme et dont on a un peu honte, il faut l’avouer.

Puis très vite on s’habitue pour ne plus se concentrer que sur la texture cotonneuse dont la résistance à l’arrachement surprend au premier abord. Un bruit même infime fût-il émis lors du détachement – l’on pense au gloussement étouffé du coton hydrophile ou aux pas sur la neige nouvelle – le vacarme de la fête foraine ne nous permettrait pas de le distinguer.

On a peur un instant de ne pas venir à bout de cet encombrant morceau de nuage, mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Sitôt passé la barrière des lèvres auxquelles le lambeau en queue de comète s’accroche avec l’efficacité tenace des pattes du hanneton au milieu du printemps, la substance disparaît comme par enchantement, laissant sur la langue une saveur sucrée, insuffisante et fugace.

Et chacun d’arracher dare-dare un peu de plaisir à ce fantôme persistant, comme des oies pressées de dépouiller un buisson de thym à coup de bec.

A la fin on se passe le bâton. C’est tout ce qui reste du dodu héron que notre gourmandise oisela. On trouve ridicule l’idée de le rapporter au Geppetto qui s’affaire là-bas sous son parasol usé, penché sur sa machine à sucre. Finalement, l’un de nous avise une poubelle. Puis l’on prend de la hauteur, on se demande ce qu’il serait advenu du panache de sucre sous une pluie battante, en quoi se serait-il transformé ? En méduse sur la grève ? En petit mammifère au sortir du guet ? Une autre fois peut-être…

Les fruits du ressentiment

Briser le cours des choses en épargnant les choses. D’où la passion de certaines gens, à l’approche de la vieillesse, pour les fruits délicats, pêchers, abricotiers et autres ligneux exigeants dont la culture s’avère sinon impossible, du moins fastidieuse et vaine. Le sentiment d’échec et d’impuissance qui résulte de cette agriculture de la désespérance se généralise à celui de toute une vie faite d’outrages et de déceptions. Ainsi, notre voisin et fromager bichonne-t-il quelques fruitiers ingrats qui ne se parent les meilleures années que de renflements atrophiés recouverts d’un duvet pelucheux dont le toucher exaspère les sens.

Manège éternel

Hier, lors d’une réunion, une collègue a sorti un stylo-plume Montblanc. Toutefois, elle a ouvert son outil à l’intérieur de son sac où elle a laissé le capuchon, le fameux capuchon coiffé de neiges éternelles, comme l’axe des manèges (manèges éternels bien sûr) et la tête des femmes de ménages (femmes de ménages éternelles bien sûr). Son acte peut-il s’expliquer simplement par la peur de perdre le capuchon, ou bien voulait-elle éviter de passer pour une snob au cours d’une réunion de routine en toute simplicité ? Réserver l’ostentation pour des occasions plus valorisantes auprès de personnes plus influentes ? Cherchait-elle à dissimuler auprès de ses collègues et homologues une ambition musclée, une obsession des sommets éternels, une passion pour les sports ascensionnels et les éjaculas de luxe ?  C’est rigolo !

Prothèsez-nous seigneur

La bouche écrasée par un sourire douloureux, l’homme est étendu sur un banc, la tête posée sur une prothèse jambière en silicone rose, assoupi. Il n’a pas deux trous rouges au côté droit, j’ai vérifié.
Du doux rêveur la prothèse de l’âme, une bouteille de vin rouge à demi remplie monte la garde sous le banc, veillant sur le sommeil de l’unijambiste. Pour éviter qu’on la lui fauche, l’homme a pris la précaution d’ôter sa jambe fausse.
Maman les p’tits bateaux ont-ils des jambes ?
Il a pris sa jambe à son cou vers le sommeil artificiel de celui qui a beaucoup trinqué. Dis-moi Petit bateau, comment es-tu entré dans la bouteille ?

Attention aux figures de style

La métonymie m’étonne, la métaphore sent fort, la synecdoque me donne le hoquet, la diérèse me met mal à l’aise, les symboles, y en a ras le bol, les paradigmes sont une énigme, l’herméneutique me donne des tics, les hémistiches me glacent les miches, l’allitération : combien de jours docteur, je ne tiens pas en place ? L’assonance m’encense, l’onomatopée me dope, les palindromes me posent des lapins, l’exégèse me pèse, la litote me botte, l’euphémisme me guette, j’ai peur de l’oxymore et l’anacoluthe m’empêche de marcher… Je n’aimerais pas être écrivain !

La tarte au citron

Il y avait un gâteau aux noisettes avec deux boules de glace au caramel. Certes, l’assortiment était réjouissant. Il y avait aussi ce méli-mélo de pêche gratiné au sucre de canne. Mais on a choisi la tarte au citron… « Avec un café SVP ». Complice, le serveur a baissé les yeux et a murmuré dans un souffle : « c’est un nectar ! » Sur le haut de son crâne, ses cheveux décolorés avaient quelque chose de rassurant. Le cul suspendu au raz du gazon dans le transat à rayures vertes, c’est avec délice que nous nous abandonnons à l’hypoglycémie. C’est dingue ce qu’on arrive à faire avec un blanc d’œuf séparé de son jaune et un peu de chiure d’agrume. C’était la première tarte au citron de la petite… Elle a aimé. Puis le moment du dernier morceau est venu… Il est toujours trop petit le dernier morceau, bouleversant d‘indifférence, fragile éboulement de précieuse matière au flanc de la falaise de croûte. Enfin, l’illusion des miettes que l’on rassemble au centre de l’assiette en une reconstitution minutieuse et vaine d’un plaisir coupable. Dans la bouche, un zeste d’amertume… On se retient de boire.

Comment se faire des amis

Comment se faire des amis ? Installez-vous devant le panneau « Nouveautés » d’une librairie célèbre. Les gens s’arrêtent étonnés, comme s’ils ne vous avaient pas vu depuis longtemps. Ils sourient : répondez-leur ! Profitez de leur étonnement pour entrer en contact avec vos contemporains : ils vous aiment ! Il vous suffit d’aller au-devant d’eux en avançant une main ouverte… « Bonjour, nous nous connaissons ? » Surtout restez simple. La personne gênée vous tendra machinalement la main, consciente du quiproquo, mais impuissante. Prenez cette main et ne la lâchez plus. Enchaînez les phrases d’une voix rassurante qui veut aider, posez des questions qui vous mettent en valeur sans mettre mal à l’aise votre futur nouveau meilleur ami. Demandez : « vous étiez au dernier salon de la machine agricole ? » ou annoncez triomphalement « Les Arcs 1800, février 2000, nous avions une petite luge verte sur le balcon ». Ne trompetez surtout pas « l’été dernier à La Plagne sur Mer, le camp de naturistes à la sortie du bourg ! » Ni « vous êtes suivi par le docteur Bobo à la clinique Tifimplant ! », tout serait à refaire et il vous faudrait attendre les nouveautés de la rentrée prochaine.

Recette de la réussite et réussite de la recette

Pour réussir il faut avoir de la chance, beaucoup de chance, la chance d’avoir du talent, beaucoup de talent, un énorme talent, le talent de savoir saisir sa chance au bon moment, au moment précis, au moment opportun où le talent apparaît, se révèle abruptement, inopinément, alors qu’on ne s’y attendait pas, tel un double six sur le tapis vert de l’espoir, l’espoir d’avoir du talent, et l’espoir d’avoir la chance que le talent ne parte pas, qu’il s’installe, ou bien qu’il reste le temps d’inventer la martingale à apprivoiser la chance… car le talent sans la chance, c’est un peu comme la chance sans le talent, n’est-ce pas ?

Gratouilles

Clinique Blomet dans le 15e. Dans la salle d’attente les gens sont beaux, bien habillés, sains. Les personnes âgées sont soignées, bien coiffées, leur peau a vieilli mais elle est restée belle. Ici les patients n’ont pas l’air malade. On dirait qu’ils sont venus faire une démarche administrative, remplir une formalité. Les enfants ont de grosses têtes bouclées, et derrières leurs lunettes, de grands yeux magnifiques bourrés d’intelligence. Ils parlent d’un air dégagé avec leurs parents pendant que leurs doigts agiles taquinent un jouet électronique. La salle d’attente est petite, ici on n’attend pas, tout est bien organisé. Je suis arrivé avec une demi-heure d’avance et on m’a pris tout de suite. Ici le médecin explique, parle d’égal à égal avec le patient, détendu, précis.
La ride élégante, les ongles peints d’une couleur invraisemblable, mouillant distraitement un index manucuré, une vieillarde coquette feuillette une revue pleine de VIP à travers une paire de lunettes dernier cri. Je ne savais pas que les lunettes pouvaient crier. Un infirmier élégant s’approche pour prendre sa commande. Café, thé ? Prenez votre temps, je vous laisse la carte, les consommations autorisées sont classées par analyses…

Une semaine chargée

Scène de ménage au FMI. DSK a des problèmes avec la moquette. Son successeur, Christine Lagarde, ne va pas tarder à en avoir avec le tapis (Bernard).


Le « Toilette center » avec déco miroirs, rouleaux de PQ multicolore, distribution de serviettes tièdes. Le garçon de service en noir et blanc vous accompagne jusqu’à la porte (c’est gênant)… Carte de un euro trente à cinq euros selon le service, le type de papier, l’option WC 2000 à douchette, etc.


Nous informons notre aimable (mais douteuse) clientèle, que le magasin est placé sous vidéosurveillance.


Le chat interrompt sa toilette pendant deux secondes, il fait provision de sensations. Ces deux secondes de sensations lui donnent droit à cinq secondes de liberté totale qu’il va consacrer à sa toilette en fermant les yeux intensément.


Un policier fait le guet pendant que son collègue est aux WC, la main sur son arme de service.


L’œil bleu, la peau moite, le surfer de la pub porte lentement la main à son front qu’il caresse avec prudence, descend jusqu’au menton qu’il actionne avec mille précautions, une crotte de nez s’envole sur le toit de l’école, un ange casse, un fin duvet s’entasse sur la moquette sans avenir.


Un clodo frai-rasé (amis myopes ne confondez pas avec Cloclo), bien peigné, l’œil bleu comme la pervenche de mai, passe les portes électroniques du métropolitain et s’approche de l’employé de la RATP qui pense derrière son hygiaphone.
– Bonjour
– …
– On va aller au soleil.
– …
– J’ai demandé à une dame, elle m’a dit qu’y fait beau.
C’est vrai, cette dame n’a pas menti : dehors il fait un temps superbe.


Pépé ne veut pas porter de sonotone, c’est inesthétique : « A mon âge, l’esthétique, c’est important ». Cependant, ça ne dérange pas l’esthète de se coiffer d’un casque infrarouge pour écouter la télé. C’est un peu comme s’il portait des pantoufles auditives. Mais les pantoufles c’est pas pareil.


C’est à leur teint bronzé qu’on reconnaît, dans le métro, les sans-abri. Chez le sous-abri, la peau est terne, parsemée de petits boutons rose vif, les rides sont concentrées autour des édifices. Les rides du sans-abri sont mieux réparties, plus courtes et moins prononcées. Sa tête est plus mobile. C’est à cette mobilité du chef qu’il vous repère lorsque vous vous avisez de mater l’ethno-monde. Le sous-abri garde la tête fixe de peur que le ciel lui tombe sur l’abri. Nous irons tous au paradis pour adulte.


Ange et Bénice sont à l’accueil ce matin, leurs prénoms en évidence sur les supports posés sur le comptoir de marbre.


Je crois qu’il y a quelqu’un qui habite dans les toilettes.


Son nez est tellement long qu’on est obligé d’en faire abstraction. En plus il a un sac à dos rouge.


Deux moustiques chez l’acuponcteur. On se demande ce qu’ils font là.


Regarde dans le pré, on dirait un chien qui fait caca ! Mais c’est un chien qui fait caca !


– Est-ce que je serai heureuse ?
– Ce n’est pas la question que se posent les gens heureux ; et les gens qui ne sont pas heureux ont très peu de chance de le devenir un jour.

Coup de peau dans le bus

Ce matin dans le bus il y avait deux types qui se rencontraient pour la première fois depuis longtemps. Ils avaient dû faire un bout d’école ensembles. Ils portaient le même manteau bleu marine. Le maigre a reconnu le fort. Il prend contact d’une voix calme et angoissée. L’autre répond au questionnaire en continuant de regarder une télé imaginaire, d’où tu parts, où tu changes, moi je vais au bout de la ligne, c’est pas mal aussi de ne pas avoir de changement, ça fait deux ans qu’on est là… Le fort descend à l’arrêt suivant. Il souhaite au maigre une bonne fin de journée. Il est neuf heures du matin, le temps passe vite.

Pourquoi les kangourous mâles n’ont-ils pas de poche ?

C’est l’histoire d’un kangourou en colère qui perd facilement ses enjoliveurs. Faut pas l’chercher, c’est un cogneur. Quand il broute la pampa d’Australie, y a pas un gonze à moins de vingt mètres de ses grands pieds. Il est pas né celui-là qui viendra lui décrocher les moustaches. Heureusement il y a Lili la belle vainqueuse, qui tient marmite sous l’arbre à mites ! Faut voir comment la miss s’envole sous le ciel bleu d’son trampoline. L’autre dimanche elle a gagné l’concours de saut à l’élastique. L’grand courroucé a été fort impressionné. Du coup le soir, au bal de clôture, personne n’a tenté d’ouverture côté Lili. Le grand kourou était tellement timide qu’il s’est perdu dans ses grands gestes et s’est cogné la bête au plafond. C’est kangourette qui l’a soignée. Il n’est pas resté insensible quand elle a marché sur ses grands pieds. C’est ainsi qu’a commencé l’histoire de grand kourou et de kangourette. Elle a passé ses bras poilus autour d’son grand cou roux, et il a mis son grand courroux au fond de sa poche qu’il a cousu.

La poêle Teffolle la poêle qui rend folle

Approchez messieurs dames, apppp… prochez ! Je vais vous présenter maintenant un article ex… traordinaire un article mesdames et messieurs dont vous ne pourrez plus vous… passer. Aussi je vous recommande de ne pas… l’acheter. Effffff…fectivement à la vérité, vous deviendriez son es’clave, sa ‘chose, sa ’proie… sa proie à frire mesdames et messieurs vous avez sous les yeux la poêle Teffolle, la poêle qui rend folle. Et ce n’est pas une poêle que vous avez sous les yeux mais deux poêles Madame approchez ! Quand je parle des deux poils que vous avez sous les yeux, je ne parle pas des faux cils qui vous font le regard à la fois si profond et tellement superficiel, madame fixez ces deux poêles de vos yeux doux et las madame vos paupières sont lourdes madame votre rimmel coule madame vous êtes fa-ti-guée madame vous dormez ! Mesdames et messieurs constatez madame dort debout. Madame est paisible, Madame est sereine, adieux soucis bonjour les rêves : la poêle Teffolle fait planer, la poêle Teffolle fait danser, la poêle Teffolle fait chanter… Madame chantez ! « Poêle Teffoolle, poêle Teffoolle, poêle qui jaamais n’colle… » Madame est au pays des jouets. La poêle Teffolle est un puissant somnifère, la poêle Teffolle porte en elle, en réserve, des années d’un sommeil profond et réparateur. Attention je réveille petite madame d’une simple claque sur la poêle Teffolle, Madame avez-vous bien dormi ? Combien de temps selon vous ? He bien non madame, vous n’avez dormis que dix secondes, juste le temps nécessaire à Monsieur ! Mesdames et messieurs la poêle Teffolle est réparatrice, la poêle Teffolle est salvatrice, la poêle Teffolle est compensatrice… Monsieur approchez ! Monsieur vous êtes vieux malade chenu perclus cassé brisé souffrant grabataire que dis-je… vous hésitez entre un cercueil en chêne et un cercueil en pin. N’hésitez plus : choisissez Teffolle ! Mesdames et messieurs je demande toute votre attention, je vais rajeunir monsieur, tant pis pour madame, monsieur approchez encore, monsieur appuyez-vous sur le tréteau… prenez votre temps on n’est pas en retard. Bien monsieur donner-moi votre canne merci… Je BRISE LA CANNE ! Monsieur n’en aura plus besoin… Et maintenant je tiens fermement la queue… La queue de la poêle, pas la queue de monsieur ! J’applique la poêle Teffolle bien chaude sur les reins de monsieur… monsieur comment vous sentez-vous ? Monsieur sentez-vous cette vigueur nouvelle, ce feu ? Monsieur « entendez-vous dans vos compagnes, le bruit du féroce soldat ? » Monsieur redressez-vous ! Monsieur vous êtes à neuf, Monsieur vous êtes fringant Monsieur vous êtes la gloire de la France occitane ! Si votre bagage se rapporte à votre cottage vous êtes le Phénix du Lot-et-Garonne ! Droit comme un i fier comme un paon dans un bar tabac monsieur faites quelques pas… He oui ces jambes sont à vous, la poêle Teffolle fait des miracles, la poêle Teffolle nous enchante, monsieur ne partez pas, monsieur je ne rêve pas, monsieur vous bandez ! Hourra monsieur bande comme un bouc, comme un taureau que dis-je comme un lama, un chameau, une vigogne, comme un phacochère ! Constatez mesdames, il y a grand prodige… si le grand turc était parmi nous il pourrait témoigner. Merci Monsieur vous pouvez disposer… Allez avec qui vous voulez !
Mais plus fort que tout – il faut bien que je gagne ma vie – Mesdames et messieurs la poêle Teffolle est aussi une poêle ! Une poêle qui chauffe mais qui ne brûle pas, « une poêle… qui jamais n’attache ». Je pose ma main sur la poêle Teffolle préalablement chauffée, et grâce à un phénomène paradoxal d’induction déductive je la retire sans y laisser la peau. Attention les enfants ne faites pas ça à la maison… Et maintenant je case un œuf sur la poêle Teffolle, d’un simple coup de poignet je retourne comme une crêpe l’œuf au plat… Réception, amorti, l’œuf non percé est cuit des deux côtés, je sers, je sale, je goûte ! Mon dieu que c’est bon, la saveur est intacte, le coulant est grisant, la poêle Teffolle nous gâte, la poêle Teffolle nous régale, la poêle Teffolle sublime de nos papilles le vibrant édifice. Mesdames Messieurs gardez la tête froide et sortez vos mains de vos poches, le billet de 50€ n’attache pas plus que la poêle Teffolle… Vous n’êtes pas folle vous savez !

Le mannequin de 9h15

Le matin vers neuf heures quinze, je croise parfois un top model féminin en descendant la rue Charles Michel vers Bir Hakeim où je prend le métro. La femme est très grande. Malgré l’air encore un peu vif, sa robe décolletée violette est fendue jusqu’à ses fesses. Elle est accompagnée d’une petite fille dans une poussette et d’un jeune garçon. La poussette l’aide à conserver une démarche fluide malgré la hauteur vertigineuse de ses talons de cordes. « Tu as vu, il nous a regardé » chuchotent ses seins. Je pense que si elle s’habille de la sorte c’est pour se protéger, pour clairement revendiquer le statut de mannequin qui tient en respect les petits fraudeurs du sentiment. C’est ce que je me dis.

Les boulistes ont le blues

Il avait comme moi 55, 65 ans. Il est mort d’une embolie pulmonaire. Les pompiers et le SAMU sont arrivés dans les 5 minutes. Le vendredi il devait récupérer sa voiture. Il est mort mardi. Fin avril. Quand Dédé il a décédé, il avait hérité de la maison de sa mère, des vignes de sa mère… Il aurait pu faire une assurance vie sur la terre. Il était allé au club. J’étais pas allé avec lui ce jour-là. Il est rentré chez lui. Tout allait bien. Il a mangé. Il s’est mis devant la télé. Tout allait bien. Puis vers 9h, 9h30, il a dit à son amie qu’il se sentait mal, mal à la poitrine, et qu’il avait envie de pisser. Il s’est levé puis s’est accroché au portemanteau. Il a tout arraché. Les pompiers lui ont mis les fers et puis au bout de 45 minutes ils ont arrêté. Ils ont dit de toute façon si on continue et qu’on le ranime ça va être un légume.
Maintenant, ils sont 6 ou 7 boulistes à discuter héritage, transmission et moyens de court-circuiter sa femme. Debout, son VTT entre les jambes, une petite fille d’une douzaine d’années écoute attentivement.


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