Voyage en Namibie


Mon frère est allé faire un tour en Namibie avec sa femme, en octobre 2025. Voici ce que j’ai retenu du récit qu’il m’a fait de son voyage.

En octobre, on est encore, en France, à l’heure d’été et il n’y a aucun décalage horaire avec la Namibie. Vous n’avez donc aucune excuse pour ne pas y aller. Si vous êtes pauvre (je vous vois venir), dites-vous que là-bas ils sont beaucoup plus pauvres que vous. Heureusement, ils ne sont pas nombreux (2,2 millions d’habitants). Mais tout de même. Vous ne les croiserez pas souvent, rassurez-vous, car les 2 millions de pauvres sont répartis sur un territoire dont la superficie approche celle de la France et de la Grande-Bretagne réunies. Les grandes villes sont de la taille d’un bourg de province et espacées les unes des autres de 300 km.

Cependant, restez sur vos gardes. Vous avez sans doute en tête les images très graphiques que vous ont laissées les documentaires de l’association relative à la télévision européenne (ARTE). Ils ne vous ont pas tout montré. Même si la Namibie est considérée par le FMI comme un pays à revenu intermédiaire, l’écart-type n’est pas fourni : 4880 $ annuels bruts par habitant en 2022, soit environ 400 € par mois, avec 30% de chômage et un taux de prévalence du VIH de 17% – ici on ne parle pas de COVID.

Si vous quittez les grands circuits touristiques pour manger de la  gravel road, vous traverserez des villages de taule invivables pendant les heures chaudes, peuplés de jeunes gens inactifs à la santé mentale fragile. Vous en apercevrez peut-être d’autres, plus entreprenants, sur le bord de la route, en train d’agiter des bouteilles en plastique vides. Vous pourriez être tenté de vous arrêter pour partager les 25 litres d’eau que vous transportez dans le coffre de votre voiture de location. N’en faite rien. Souvenez-vous, l’on vous a demandé de rouler les portières verrouillées et l’on vous a interdit de prendre des autostoppeurs à bord. Pour vous inspirer confiance, ils ont même installé des panneaux signalant des travaux. Quand vous aurez ouvert votre coffre, dites-vous que son contenu sera partagé en quelques secondes pour être dispersé aux quatre coins du désert – c’est une image, car le désert est dépourvu de coins. Heureusement, vous êtes un occidental au sang froid, calculateur et vacciné contre la compassion. La pression de votre semelle sur l’accélérateur n’a pas faibli d’un micropascal. Maintenant, il ne manquerait plus qu’un pneu éclate. Mais vous avez une foi inébranlable en la technologie. Vous avez donc l’esprit tranquille.

Dans les villes, l’atmosphère est moins tendue. Au supermarché, vous trouverez des saucisses d’oryx et des pommes de terre en abondance (la Namibie est une ancienne colonie allemande). Sur le parking, la présence d’hommes armés de kalachnikovs devrait vous rassurer. Un civil à la démarche chaloupée vous indiquera un emplacement où vous garer. Jusque-là pas de merle anxieux (Meroles anchietae est un lézard des sables endémique du désert du Namib qui, lorsque la température dépasse les 40 °C, exécute une danse thermorégulatrice consistant à élever alternativement chacune de ses pattes ; au petit matin, pour étancher sa soif, Meroles anchietae lèche les crêtes des dunes où les brouillards viennent se percher durant la nuit). L’homme à la démarche chaloupée vous informe qu’il va veiller sur votre véhicule. Vous êtes ravi. Vous faites, entre autre, l’acquisition d’un seau (4 €) et d’une glacière (10 €). De retour sur le parking, vous videz votre caddie dans le coffre, montez dans votre véhicule, verrouillez les portières, baissez la vitre et tendez royalement 2 € (gros pourboire) à votre gardien qui vous baise les mains et s’éloigne avec votre caddie. C’est ainsi que ça se passe quand vous faites les courses pour la deuxième fois.

La première fois, c’est légèrement différent. De retour sur le parking, vous videz votre caddie dans le coffre, donnez royalement 2 € à votre protecteur qui vous remercie et s’en va avec votre caddie. Vous vous apprêtez à remonter dans votre véhicule quand un individu un peu trop jovial s’approche et vous salut. Je m’appelle Toto et toi, comment tu t’appelles ? Vous déclinez votre blaze, ravi de saisir la perche que vous tend la vraie vie. Toto sort alors une lame de rasoir (« Attends j’ai un appel, je te rappelle après pour te raconter la suite » : véridique). Un manche de fortune a été confectionné en enroulant du chatterton autour d’une extrémité de la lame. Toto hurle « tu es trop sympa, je vais me tatouer ton nom sur le bras. »

Vous ne savez plus si c’est du lard ou du cochon mais ce n’est pas une hallucination : sous les branches du boscia, votre corps dépecé pend à un crochet de boucher, à côté de celui de votre femme (je laisse aux femmes le soin d’adapter la syntaxe). Psychopathe ou fieffé simulateur ? En aucun cas vous ne voulez connaître la suite du scénario. Vous vous mettez à insulter Toto en Français, en hurlant le plus fort possible afin de le déstabiliser (même si vous doutez de sa stabilité) et d’attirer l’attention des porteurs de kalachnikovs. Vous profitez de l’effarement du dépeceur du Botswana pour vous enfermer dans votre véhicule. Ouf ! Une montée d’adrénaline que vous n’oublierez pas de si tôt.

N’était-ce qu’une mise en scène pour convaincre les touristes d’acceptez le gardiennage sauvage sur les parkings ? Si c’est le cas, c’est bien joué.

Quoi qu’il en soit, il faut comprendre, la Namibie est un pays sensible aux variations des cours des matières premières, aux sécheresses de plus en plus fréquentes, et aux pandémies (hors VIH). La vie n’est pas simple dans ce pays ouvert à quatre déserts.

Heureusement, un circuit touristique sécurisé permet de parcourir la Namibie en toute sérénité. Un repas pantagruélique, boisson comprise, vous reviendra à 20 euros. Un guide patenté vous conduira au point d’eau où batifolent les éléphants. Il vous expliquera qu’avec son salaire providentiel et ses pourboires, il parvient à nourrir 38 personnes. Il semble que la théorie du ruissellement ne fonctionne que chez les pauvres et chez les éléphants.

Vous commettrez l’imprudence de vous approcher à une quinzaine de mètres de deux rhinocéros paissant paisiblement (papa, pourquoi les vaches portent leurs cornes sur le mufle ?). Si vous parvenez à regagner votre véhicule sans être inquiété, la Croix du Sud veille sur vous.

Les larmes de la girafe n’arrivent jamais jusqu’au sol (Machozi ya twiga kamwe kufikia ardhini, en swahili) : voir cet article.

Ne vous étonnez pas si une odeur de fumée vient troubler votre nuit africaine : un incendie a déjà ravagé un tiers du parc national d’Etosha cet été. 850 000 hectares partis en fumée, soit les surfaces réunies de la Seine-et-Marne, de l’Essonne, de Paris et de ses 3 satellites (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne). Donald n’a pas tout à fait tort quand il dit que le réchauffement climatique est un écran de fumée. Picsou non plus.

Vous pouvez vous réfugier dans le désert qui n’est jamais très loin. Mais attention, de nombreux êtres vivants y habitent et les priver des quelques gouttes de pluie qui leur permettent de survivre, pourrait bientôt leur être fatal.

Des nuages mais pas de pluie. Seulement du brouillard qui vient nuitamment lécher la terre eczémateuse.

La vue depuis la chambre de l’hôtel n’est pas négociable : c’est le désert ou rien. « Jamais, de par-là, n’était venu l’ennemi, jamais on n’y avait combattu, jamais rien n’y était arrivé. » Dino Buzzati, Le Désert des tartares.

Quelque part au nord de Solitaire, sur la C14, une pancarte vous avertit que vous changez de département : « Tropic of Capricorn« .

Les riches eaux de l’Atlantique. Nous allons y venir. La plus haute dune culmine à 800 m (celle du Pilat à 103 m).

Histoire d’O : si vous avez la fibre masochiste et que vous rêvez de retrouver votre Otarie à la fourrure, alors foncez au cap Cross, vous aurez l’embarra du choix.

« Chouchous, beignets… », les chacals passent parmi les estivants vautrés par milliers (jusqu’à 100 000 en décembre, au moment de la reproduction. En Namibie, c’est toujours l’été). Si un bébé otarie a perdu sa maman, le chacal le conduira gentiment au point de rassemblement pour passer une annonce de sa voix mélodieuse.

Ça sent le poisson pourri et l’ammoniaque, mais il en faut davantage pour écœurer un chacal.

Alors, chacal à flancs rayés (canis adatus) ou chacal à chabraque (canis mesomelas) ? Ce n’est pas la même musique. Je vous laisse vous faire une opinion ici.

Si vous nourrissez quelque aversion à l’encontre de la propension à se vautrer de certaines créatures, c’est peut-être d’un œil plus enclin à s’attendrir que vous considérerez les bêtes à plumes.

J’ai toutefois le souvenir de flamants roses juillettistes, sur le lac de la réserve africaine de Sigean, France. Les oiseaux avaient édifié des nids de boue et de substances organiques en forme de cheminées pour y déposer leurs gros œufs. L’administration du parc avait prévenu les visiteurs que l’odeur pestilentielle était naturelle. Il vaut mieux les avoir dans le ciel que dans votre salle de bain.

Enfin, ne manquez pas les épineux et les cactées. La sécheresse qui les menace en permanence les pousse à fleurir à tout va.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.