Chose promise chose due. Je m’étais engagé à fournir avant la fin de l’été une critique de ce livre que j’avais découvert en faisant des recherches sur le wombat. Vous avez probablement lu mon article sur le wombat. Sans barguigner je vous informe que, si vous avez aimé cet article, vous aimerez Comment attirer le wombat de Will Cuppy. Sans fausse modestie et sans modestie déplacée, c’est écrit dans le même esprit. On y parle de nos travers et autres panades existentielles sous prétexte de s’intéresser à une faune improbable – même si notre passion pour la faune reste intacte. La moquerie est à la coque, savoureuse, coulante, orange vif.
Je vous rassure tout de suite, je ne suis pas dépressif. Will Cuppy est mort à New York en 1949 à l’âge de 65 ans, des suites d’une overdose de médicaments. Je croise les doigts (sur l’origine de cette expression, j’ai une théorie dont je vous ferai part le moment venu). En attendant, voici une autre théorie qui vaut son pesant de lézards écrasés. Will est le diminutif de William. Je déconseille aux William d’amputer leur prénom de ses trois dernières lettres « iam ». Si l’on n’y prend garde, il peut s’ensuivre des symptômes psychologiques dissociatifs sévères : en anglais « I am » signifie « je suis ». « To be or not to be », ce n’est pas moi qui le dis, c’est William (Shakespeare).
Sur un peu moins de deux cents pages, quarante-huit animaux sont prétextes à divagations zoologicosmicomiques. La lecture d’un animal prend environ trois minutes. Deux minutes et cinquante-cinq secondes pour le wombat, notes comprises : c’est juste le temps nécessaire à votre sphincter pour se décontracter. Le livre est disponible d’occasion sur internet aux Editions Wombat, format poche marsupiale. C’est le onzième titre de la Collection Les insensés.
Du wombat, il est question dans le préambule (Les wombats sont-ils des gens ?), dans la troisième partie (Les mammifères problématiques) au chapitre Le wombat, et dans la postface (Plus sur les wombats).
J’aime le ton mignon, le soucis d’exactitude (la vérité est la meilleure amie de la gaudisserie), l’utilisation habile des notes de bas de page, le décalage dans le sens inverse des aiguilles d’une botte de foin (il n’y a pas d’heure pour le décalage), l’ironie tranquille dans le mille Emile, la qualité de la traduction (Frédéric Brument, traducteur, éditeur, et adorateur du nonsense américain).
Voici des extraits pour que vous jugiez sur pied (même si ça reste de la prose).
Le wombat est un animal au physique trapu, avec de courtes pattes et une allure générale fruste et négligée. Certains trouvent qu’il ressemble à une grosse marmotte. La vérité, c’est qu’il ne ressemble pas à grand chose.
Tandis que le pélican évacue l’eau de sa poche, s’apprêtant à avaler sa proie, la mouette rieuse vient souvent la lui chiper et s’envole au loin en riant comme une folle. Le pélican n’a aucun sens de l’humour.
Le mâle fourmilier ne rentre jamais dîner à la maison parce qu’il sait exactement ce qui l’attend. Encore des fourmis.
Personne n’aime le porc-épic et je crains que ce soit entièrement sa faute.
Ça me paraît suffisant pour vous donner envie de dévorer trois kilogrammes de poisson cru farcis à la purée de fourmis. De l’acidité gélatineuse de la luciole à l’âpreté azoté de l’opossum, il y en a pour tous les goûts.
Si j’avais le temps, je ferais l’inventaire des procédés utilisés par l’auteur pour dynamiter votre sens commun et exciter votre muscle buccinateur (celui qui vous permet de passer du sourire discret au sourire franc).
Je prendrai ce temps, c’est promis, si le Gulf Stream continue de caresser la douce Europe jusqu’à la fin de l’année. Pour l’heure je viens de commander How to Attract the Wombat afin de savourer tout ça, la langue dans un bocal de whisky telle une salamandre sur l’étagère d’un spécialiste des urodèles de saucisson.
Bonne buccination !