Journal d’une jeune fille en désordre (érotique)

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Nice, le 2 juillet 1998.

Longtemps, je me suis réveillée de bonne heure. Parfois, à peine l’aube mise aux lames des persiennes, mes yeux s’ouvraient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « je m’éveille ». Et, une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de sortir du lit me rendormait ; je posais le stylo qui me glissait des doigts et fermais les yeux ; je n’avais pas cessé d’écrire des réflexions sur ce que je venais de rêver, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier ; je rêvais que je notais mon rêve, il me semblait que j’étais moi-même une partie de mon rêve comme un metteur en scène en plein tournage ; le rêve se refermait sur moi.

Cette croyance survivait pendant toute la durée de mon engourdissement ; elle ne choquait pas ma raison mais pesait comme des lunettes noires sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que la lumière inondait la chambre. Puis elle commençait à me devenir évidente, comme après le transfert l’existence de sentiments antérieurs ; je maîtrisais le sujet du rêve, j’étais libre d’en infléchir le cours ; aussitôt je recouvrais la vue et je n’étais pas surprise de trouver autour de moi une lumière, violente et fatigante pour mes yeux, mais tellement bienfaisante pour mon esprit à qui elle apparaissait comme une bonne chose, évidente, comme une chose vraiment lumineuse. Je me demandais quelle heure il pouvait être ; j’entendais le bruit des voitures tout proche qui, plus ou moins fort, comme le gémissement d’une fille dans une chambre d’hôtel, mesurant le plaisir, me découvrait l’étendue de ma chair déserte où la main se hâte vers la fente profonde ; et le petit chemin qu’elle suit va être gravé dans la mémoire par l’excitation qu’elle doit à des gestes nouveaux, à des actes inaccoutumés, à l’émotion récente et à l’apaisement sous la caresse appuyée qui brûle encore dans la fraîcheur de la matinée, à la violence prochaine d’un retour. J’appuyais fermement mes reins contre les fesses du traversin qui, dures et fraîches, sont comme les fesses de notre adolescence. Surélevés de la sorte mes membres pouvaient se séparer plus librement et permettre un accès plus facile aux différents replis et invaginations de mon anatomie. Je frottai mes yeux pour regarder ma montre. Bientôt midi. C’est l’instant où la jouisseuse qui a choisi de rester étendue entre les draps de l’enfance, engourdie de plaisir, se rendort malgré le vacarme du jour1.

Nice, le 3 juillet 1998.

Je referme mon journal et m’habille à la hâte ; je passe une petite culotte décidément trop étroite ; en quelques semaines, des poils ont envahi mon ventre et mes cuisses, couvrant mon sexe d’une toison disgracieuse, légèrement clairsemée, que ma culotte barre d’une bande obscène de coton dérisoire. Chaque fois que je vais aux toilettes,   à l’aide d’un petit miroir je contemple cette évolution au cours de longs accroupissements horrifiés, impuissante et plus ou moins consciemment fascinée par cette enfance qui m’abandonne ostensiblement. Je caresse mes poils pour en apprécier le volume ; du bord de l’anus au nombril, en débordant largement sur les cuisses, une végétation frisée se développe avec un bonheur inégal, gagnant jour après jour en souplesse et en odeur. Ces parfums corsés, iodés ou musqués, d’oursin, de truffe et de chèvre réclament de ma part une toilette quotidienne attentive, sous peine de virer rapidement aux relents de poissonnerie. Mon clitoris a grossi lui aussi ; je ne saurais dire depuis quand. Toujours est-il que chaque jour, je mesure angoissée sa croissance à l’aide d’un ruban de couturière que j’ai trouvé dans la boîte à ouvrage de Nicole, ma gouvernante ; il a atteint la grosseur d’une olive grecque et la taille de deux centimètres ; j’ai l’impression de me transformer en garçon ; cette idée me terrorise. Afin de prendre ses mensurations, j’extrais le petit organe de son repaire de peau et de poil, je dégage comme il faut sa base, et lui fais atteindre sa taille maximale. Au début, il fallait pour cela l’apprivoiser d’un doigt prudent ; aujourd’hui, un simple accroupissement provoque une érection importante : en pénétrant dans ma raie, la culotte sectionne les muscles de mon périnée qui se comprime, projetant sur le devant de la scène le bébé kangourou qui ne demande qu’à s’instruire. Il suffit alors de quelques légers pincements pour qu’il s’épanouisse en une turgescence carminée, petite trompe immobile, seulement secouée par les minuscules battements de mon sang, qui cherche en vain le contact avec la nature pourtant si proche. Mes nymphes semblent également ne plus supporter d’être étouffées sous les coussins de leurs grandes sœurs. Elles passent maintenant tout leur temps à l’extérieur avec des ondulations d’algues brunes et gonflent au moindre contact en prenant des pigmentations aguicheuses de crêtes d’oiseaux en rut. En toute saison, elles s’exhibent sans retenu à la mode hottentote. Je n’ose pas trop y toucher de peur de les allonger davantage ; on dirait qu’elles n’attendent que ça. Mon malheur est total.

Nice, le 4 juillet 1998.

Bizarrement mes seins restent petits ; exceptés peut-être les mamelons qui ont bruni et durci, comme au feu les pointes des flèches du néolithique, rendant indispensable le port d’un soutien-gorge. Dans la mesure où l’utilisation de cet accessoire n’est apparemment pas justifiée en ce qui me concerne, j’enrage à l’idée que des gens puissent penser que c’est de ma part pure coquetterie. C’est à peine si un fin duvet tapisse mes aisselles. La légèreté de mon buste d’oiseau contraste avec l’ampleur de mes hanches et la puissance de mes cuisses ; d’autant que mes jambes sont longues et mes fesses musclées par la fréquentation des clubs de natation. Je comprends maintenant pourquoi la démarche de certaines femmes peut devenir provocante : la largeur de leurs hanches est telle qu’elles doivent à chaque pas rééquilibrer leur corps tout entier, la contraction protubérante de la fesse restée tonique accentuant encore le balancement. Comme dans un mauvais rêve, il me semble que le bas de mon corps enfle démesurément et que mes cuisses s’écartent l’une de l’autre inexorablement comme deux continents en proie aux rages tectoniques. J’ai renoncé depuis plusieurs jours à utiliser ma culotte pour couvrir mes fesses. Je l’insinue profondément dans la raie afin qu’elle reste en place ; je redoute que le dessous ne glisse ou que, mal ajusté, il forme une boursouflure disgracieuse sous le tissu de ma robe. Mes fesses sont massives comme celles d’un cheval, et forment entre leurs bosses jumelles une vallée large et boisée. En me cambrant, je peux poser mes mains sur les deux monts distincts et laisser se rejoindre mes doigts sur les bords d’un anus souple et préhensile comme les lèvres ourlées de fins tentacules, légèrement poisseuses, d’une plante carnivore. Mes ongles longs et soignés, petites tuiles nacrées sur le toit du monde, peuvent agacer sans la lasser cette bouche timide.

Un coup de brosse à mes cheveux, un coup d’œil rassurant au miroir et me voici consolée. Par bonheur, mon visage ne s’est pas départi de la douceur de l’enfance. Je souris malgré moi à cette petite fille qui ne veut pas mourir. J’ais renoncé à confier mon désarroi à ma gouvernante. Elle avait pourtant su expliquer et rassurer, le jour où du sang avait coulé de mon sexe – c’est le drapeau du jupon2 avait-elle dit en riant, tu sais, celui avec une tâche rouge ! Mais maintenant c’est différent, je ne suis pas née de la dernière mousson : je sens confusément que mon corps est aux prises avec des forces puissantes, inéluctables. Je trouve la nature bien sauvage ; on peut raser ses poils mais pas question de raboter ses hanches. Et impossible de maigrir davantage : sportive je le suis déjà, boulimique pas encore. Une perte de poids ne ferait qu’accentuer le dimorphisme dont je souffre. Le port du pantalon aussi accentuerait ma difformité. Je passe la seule robe qui m’habille encore à peu près décemment ; une robe avec de grandes fleurs bleus qui m’arrivait, il y a quelques mois, au-dessus du genou et qui, aujourd’hui, peut encore passer pour une blouse de plage mal coupée ; une robe de fillette qui découvre de plus en plus haut la blancheur de mes cuisses en ce début d’été 1998. Il est temps de bronzer ; au moins ce vêtement naturel sera-t-il toujours à mon avantage. J’appréhende l’issue de ces grandes vacances. Ma seule consolation est que je vais entrer au lycée en septembre ; aussi, mes anciens camarades du collège ne seront pas témoins de la déformation de mon corps et de ma débâcle endocrinienne. Heureusement, je peux encore me confier à Angelina, ma copine d’enfance. Vivement qu’elle arrive.

Je noue autour de mon cou gracile un petit foulard de soie légère, comme si ce garrot pouvait préserver mon visage de cette sève montante. J’hésite un instant puis, me munissant d’un tube de rouge à lèvres, je conjure le sort en camouflant mes jeunes lèvres sous le fard. J’attache mes tennis, jette un livre dans mon sac, prend une serviette de bain et me retrouve au bas de l’escalier dans le living. Nicole accueille sa poupée de la liberté d’un large sourire.

  • Chérie, ça fait trois jours que tu portes la même robe ; remonte te changer s’il te plaît.

Un parfum de sauce au champignon légèrement acide et de persil fraîchement coupé caresse mes narines. Le temps que ma gouvernante disparaisse dans la cuisine et j’ai pris la fuite.

  • Ne m’attendez pas pour la lote à l’américaine.

J’adore la lote à l’américaine mais pour le moment j’aurais surtout besoin de culottes à l’américaine.  

Nice, le 5 juillet 1998.

Je traverse le marché aux fleurs et arpente la promenade des Anglais de mes grandes guiboles, suivant la mer comme une seconde nature. De vieilles baudroies à la peau esquintée promènent à bout de laisse de luxueux canins aux yeux de lémurien. Les animaux corsetés de skaï bleu sont au bord de l’apoplexie.

Tarentule patiente et appliquée, la canicule naissante tisse sur la ville son opercule de gaze ; c’est inhabituel pour la saison ; tout se détraque ! À l’horizon, les navettes immobiles des cargos croisent sans fin le ciel avec la mer. Les estivants commencent à affluer. Des familles Tupperware pique-niquent sur les galets. Il va me falloir trouver un chemin jusqu’à la mer sous les yeux moqueurs des adolescents à boutons qui, assis sur leur serviette à côté d’un livre de poche à la reliure brisée, la tête penchée, les épaules brûlées, passent leurs maigres doigts sur leurs jambes poilues. L’eau me tente. D’autant plus que je dois laver ma robe. Il y a toujours au fond de mon sac un petit savon dans son emballage en papier. J’installe ma serviette non loin de la douche, contre le mur de soutènement incliné de la promenade, ôte mes tennis, ainsi que mon soutif, et me dirige vers la mer à grandes enjambées. Je contemple un instant les traces de brume du début de l’été qui froncent l’horizon. Je relève mes cheveux en chignon et entre dans l’eau tout habillée sous le regard impassible des machos. L’eau est froide et calme. L’odeur du sel apaise mon esprit inquiet. Sous mes pieds, les galets se dérobent doucement. Je m’enfonce davantage dans les flots violets. Les fleurs de ma robe, comme des morceaux de mer, semblent regagner les fonds instables dont les ombres mobiles font chavirer ma vue. Mon corps allégé s’abandonne à la houle par petits sauts, le bord de ma robe chatouille mes fesses ; les bras posés sur l’eau, les aisselles clapotantes, je sens durcir davantage les pointes de mes seins.

En sortant de l’eau je m’aperçois que mes poils sont parfaitement visibles à travers ma robe mouillée. Mon slip, réduit à une lanière de tissus salé, partage cruellement ma chair, exprimant davantage à chaque pas mon clitoris douloureux hors des lèvres. Je n’ose pas remettre de l’ordre dans tout ça à cause des regards incrédules que posent sur moi les jeunes mâles pubères. En détachant mes cheveux, je sursaute quand mon bras effleure ma poitrine : mes tétons sont devenus hypersensibles. Inquiète, je fonce vers la douche sans me préoccuper des sifflements d’admiration des ado moqueurs. La peau bronzée d’un garçon ruisselle sous la pomme généreuse. Un peu musclé, un peu grand, un peu naïf, un peu rebelle, un peu tout ce qu’on aime, nous les filles. À travers les gouttes qui rajeunissent encore son visage, il lance dans ma direction des œillades un peu mélancoliques, un peu indécentes, un peu niaises, un peu tout ce qu’on n’aime pas, nous les filles. Je passe d’une jambe sur l’autre pour essayer de calmer mon clitoris bouffé par le sel. Très vite le frottement accentue l’irritation et j’imagine les lèvres de mon sexe s’écartant sous la poussée de l’organe en feu. Je suis paniquée à l’idée que le phénomène fasse la une de Nice-Matin. La largeur de mes hanches ne permet pas à mes cuisses de se rejoindre autrement qu’en se croisant ; je les croise donc sous peine de me ridiculiser davantage. Les jambes tordues, les pieds enfoncés dans un mélange de sable et de gravier, le postérieur en orbite, je dois ressembler à cet oiseau marcheur qui fait le zouave dans les déserts ; j’ai dénoncé l’autruche. Il n’est même pas certain que celle-ci croise les pattes de la sorte. Le soleil de la savane commence à me roussir la plume. Descendant de mes cheveux, des ruisseaux peuplés d’anguilles électriques viennent chatouiller mes tétons pétrifiés. Je suis là depuis plusieurs éternités. Le moustachu, qui attend son tour derrière moi en écrasant son sexe sous sa serviette, ne peut plus détacher les yeux de mes fesse gonflées. Mes jambes s’engourdissent. Sous la douche, l’éphèbe de Valrose n’en finit pas de se caresser avec son savon à l’huile d’olive en quêtant mon regard approbateur.  Je décide d’en finir avec ce godelureau qui monopolise l’eau douce : je fixe son sexe ostensiblement, radiographiant le tissu de son 3B (boxer de bain à bandes), me concentrant sur le relief de son organe. Est-il rose et gonflé comme une grosse limace putride ? Ou bien mâte et lisse avec un noble prépuce en capuchon de philistin ? Ou bien petit et chauve en forme de salière ? Le résultat ne se fait pas attendre : le jeune Oreste prend le large sans demander son reste qui au reste était indu. Je gratifie sa bonne volonté d’un large sourire plein de canines et m’écrase violement sur le sol. Objectivement, mes pieds ensablés n’ont pas suivi le mouvement qui propulsait mon corps vers la douche salvatrice. Je me suis étalée de tout mon long et de toute ma largeur, comprenez-moi bien ; j’ajoute, pour que la description soit complète, de toute ma profondeur. Amandine en trois dimensions ; n’oubliez pas de rendre les lunettes à la sortie. Un homme qui tombe suscite le rire de ses congénères. Le cinéma aurait tendance à abuser de ce procédé qui puise sa force aux racines de la cruauté. Mais au cinéma (je veux dire dans les films) seuls les hommes tombent : pas les femmes. Une femme qui tombe c’est, selon le cas, angoissant, ridicule ou obscène. Je pense que j’appartiens à la troisième catégorie ; mais je préfère décidément l’obscène au ridicule. Je vous demande d’imaginer comment mes jambes croisées ont, sous l’impulsion, fait pivoter mon corps face à la file d’attente. Je vous demande d’imaginer encore comment la jambe qui avait voulu s’avancer (la droite en l’occurrence) s’étaient finalement désenclavée pour s’écarter de mon corps à la recherche d’un appui. Je vous demande d’imaginer enfin comment, surprise et un peu abrutie par le choc, suite à l’attente interminable sous le soleil de midi, comment (je vous demande) j’étais restée la robe sur le ventre, des gravillons plantés dans le cul comme autant de petits coins cruel, les jambes écartées fort gracieusement, la culotte traçant un chemin de brousse emporté par un glissement de terrain, le sexe béant, le clitoris enfin libéré tournant vers la lumière ses petits yeux aveugles d’embryon kangourou. Même si vous parvenez à imaginer ma misérable condition, vous n’imaginez pas, j’en suis convaincue (restez concentrés), la honte qui déforme mon visage et persuade les témoins que je suis victime d’une insolation. Imaginez et branlez-vous tout votre soûl, votre âme m’en saura gré. Une grosse dame m’aide à retrouver un peu de dignité (ha, les grosses dames !). En me relevant, je ne suis pas surprise de constater que le moustachu a disparu avec armes et bagages. Il avait masqué son éjaculation derrière une toux sèche qui l’avait brutalement plié en deux. Il n’avait pas cru bon de me venir en aide.

La douche me redonne une apparence. Un petit garçon me regarde avec un air dégoûté.

  • Excuse-moi petit. J’espère sincèrement que tu n’as pas été traumatisé par ce que tu as vu ; je ne voudrais pas avoir son homosexualité sur la conscience.

Le dos à la foule attendrie, je m’enduis tout le corps de savon et lave mes vêtements à même la peau. Aussitôt frottée aussitôt rincée, je libère promptement la place et m’éloigne sans boiter (il ne manquerait plus que ça).

Nice, le 6 juillet 1998.

Tu portes à ton sexe une main apaisante. Tu as dégrafé le vêtement responsable de la contention et ton cœur bât plus fort. Tes chairs se déplient lentement, retrouvent leur place naturelle. Tu as pris soin d’humecter tes doigts de salive. Tu sais que par ces temps de canicule elle devient rare et peu lubrifiante. Mais tu as su enrichir sa composition de cette substance précieuse qu’on trouve au bord des muqueuses pour peu qu’on presse la chair environnante. Une simple goutte au bout de l’index te permet de peaufiner doucement ton érection jusqu’à obtenir un organe puissant, fier et brillant, comme te l’ont recommandé tes copines du collège. Tu prends soin d’enduire toutes les parties, jusqu’aux plus lointaines ; tu ne négliges pas l’anus qu’il te suffit pour l’instant d’effleurer ; tu sens le bord de la muqueuse glissante comme le foie cru d’un poulet. Ton entrecuisse est maintenant sensible. Tu n’oses pas toucher aux fongosités saprophytes vésiculeuses dont les marges ondulées et coriaces pendouillent entre tes cuisses comme des caroncules3 de dindon. Godzilla4 cherche la lumière après une incubation mille fois millénaire dans les glaises étanches des ténèbres. Tu as encore le temps de courir jusqu’au réfrigérateur pour y choisir deux beaux œufs frais. Tu sépares le blanc des jaunes et consommes immédiatement ces derniers en prévision des dépenses nerveuses qui vont bientôt secouer ton corps. Tu te mets complètement nue. Tu verses les blancs dans une assiette plate que tu poses sur le sol et au-dessus de laquelle tu t’accroupis. Tu t’enduis les cuisses et le cul du liquide glaireux, et rafraîchis ton anus quémandeur. Tu t’enduis aussi les seins qu’il faut presser et pincer autant qu’ils le réclament.

Maintenant, il devient nécessaire de casser un troisième œuf pour Godzilla.

Amandine se demande si son journal est publiable en l’état. Elle intitulerait ça « Journal d’une jeune-fille en désordre ». Mais chez quel éditeur ? Et dans quelle collection ? Elle estime qu’aucune autobiographie n’est obscène tant qu’elle est authentique, fantasmes inclus.

Ça, c’est la théorie.

Nice, le 7 juillet 1998, le matin.

Le cul posé sur la serviette à fleurs que lui a tricotté sa maman, j’aperçois sur ma droite le poisson-chat5 qui a éjaculé derrière moi, hier, dans la file d’attente. Derrière mon dos, ma robe sèche sur la paroi inclinée ; ma petite culotte ronronne à côté de moi. Je crois que mon soutient gorge est resté au fond du sac, je crois que je suis nue sur le drap de bain, une serviette relevée sur les reins.

  • Tu ne t’es pas trop fait mal en tombant l’autre jour, s’enquit le fourbe à moustaches ?
  • Non merci, c’est gentil, même si cette attente sous le soleil a failli m’être fatale ; mais tu n’auras pas trop de ta vie pour te faire pardonner ta lâcheté ; ma vengeance ne ressemblera à aucune autre.
  • Je suis désolé ; je suis prêt à tout pour réparer ma faute, répond l’aspirant écuyer en me tendant un tube de crème solaire.
  • Je suis pénétrée de vos bontés, mon ami.

Je me redresse, débouche le tube, le porte à mon nez et lui rends. Ça sent bon la fleur lointaine pour femme qui s’aime.

  • Ta copine n’est pas jalouse ?

Il s’installe derrière moi et commence à promener tendrement sur mes épaules ses pattes parfumées.

  • Ma copine va me quitter.
  • Dans combien de temps ?
  • Nous avons rendez-vous dans un quart d’heure. Elle a des choses importantes à me dire : soit elle veut qu’on se marie pour avoir un enfant, soit je ne la satisfais plus sexuellement. Dans les deux cas on va se quitter.
  • Peut-être que tu ne l’as jamais satisfaite sexuellement ; quel âge a-t-elle ?
  • La trentaine.
  • Monsieur aime les vieilles ?
  • Ce sont elles qui m’aiment. Je suis un garçon passif, un peu naïf, un peu tendre et facilement maternable. J’attire les femmes en manque de progéniture. Et quand elles réalisent que je suis un amant formidable, elles s’attachent et me demandent de me laisser pousser la moustache.

Je me retourne sur le dos.

  • Je constate que monsieur n’a pas que les chevilles qui enflent. N’approche pas trop de mes seins, ils sont hypersensibles.
  • Il faut pourtant les protéger.
  • Les protéger des malappris de votre espèce !
  • Que me vaut ce vouvoiement soudain. Vous me fâchez madame ! C’est la première fois qu’on me traite de malappris.
  • Ce n’est pas la première fois que mon cœur vous traite de malappris.
  • Votre cœur doit bien me haïr.
  • Il s’y applique.

Je n’ai pas envie que moustache descende trop bas. Je repasse sur le ventre.

Le garçon ôte son slip et s’installe à califourchon sur mes reins, tourné vers la mer. Je ne peux plus bouger. Je ne suis pas sereine. Il attaque les cuisses. Il ne sait pas qu’on commence à masser les membres par leurs extrémités. Bonjour les jambes lourdes. Il ne marque pas des points.

Manifestement, ce ne sont pas les extrémités de mes jambes qui l’intéressent. Je sens parfaitement sa limace grassouillette qui s’écrase souplement contre mon dos. Aucun doute n’est permis : sous prétexte de se faire pardonner, le garçon est en train de se branler sur mes lombaires ! Exaspérée, j’écarte davantage les cuisses pour compromettre le coquin. Une jeune femme s’approche en forme de sirène. Pour me donner de la contenance, je pose sur mon visage le masque du ravissement. A travers le drap de bain, un galet m’écarte les molaires. La fille de Calliope caresse les cheveux de mon bienfaiteur, approche la bouche de son oreille et murmure tendrement :

  • Le quart d’heure est écoulé, monsieur.

La main du garçon s’immobilise au bord des lèvres, là où la douceur de la peau fait de la vie un jardin de délices. Je garde les yeux fermés ; tout cela ne me regarde pas.

  • Je pars travailler six mois aux Etats-Unis ; je ne peux pas t’emmener avec moi, Armand.

Armand (puisque c’est ainsi qu’il me faudra l’appeler dorénavant) doit réaliser ce que l’immobilité de sa main a d’indécent maintenant que celle-ci a perdue toute fonction émolliente. II veut la retirer mais l’ongle cassé, dont j’avais suivi avec délice le parcours expiatoire durant l’onction, accroche un poil de mon périnée. La confusion qui s’ensuit est difficile à décrire. La serviette glisse et je sens aux creux de mes reins deux longues brûlures de cire chaude. Armand est secoué, ce départ le met dans tous ses états. C’est encore plus grandiose que les adieux de Fontainebleau. Malgré sa gêne extrême, il parvient à extraire de sa gorge un « au revoir Julie » qui me fait bonne impression. Il maitrise la situation, c’est clair.

  • Je ne te demande pas d’attendre mon retour mais sache que je reviendrai. Et vous mademoiselle, pensez à vous faire épiler.

L’élégante jeune femme prend congé sur ce conseil que je ne suis pas certaine de mettre à profit dans l’immédiat. La lumière m’empêche de distinguer ses traits mais sa voix un peu rauque me laisse l’image d’une femme libre et dominatrice, quoique légèrement mélancolique. Le tube de crème solaire quasiment vide pousse un cri d’oiseau marin.

  • C’est la fin du tube dit Armand en étalant furtivement le sperme qui me chatouille le dos.
  • Je suppose que nous sommes devenus amis après ce qui vient de se passer ? II n’y en n’a pas dans mes cheveux au moins, hasardé-je pour le mettre à l’aise pendant qu’il remet son slip ?
  • Non, dit-il en soulevant une mèche d’un geste doux.

C’est une ébauche de bonheur. Vraiment, les femmes sont moins exigeantes que les hommes, pensé-je. Je réajuste la serviette et réalise qu’Armand éjacule à chaque fois que nous nous rencontrons.

  • Tu as entendu ? Ses dernières paroles ont été pour moi.
  • Qu’est-ce qu’elle a dit ?
  • Elle m’a conseillée de me faire épiler.
  • Epiler quoi ?
  • Je t’expliquerai une autre fois.
  • J’ai parfaitement compris. Je ne veux pas que tu t’épiles. En tout cas pas pour moi. Que lis-tu en ce moment, passe-t-il du coq à l’âne en pointant de son menton à fossette le bouquin qui s’échappe de mon sac renversé ?
  • As-tu remarqué ce cercle d’eau brune à quelques encablures du rivage, moussaillon, retourné-je du Kilimandjaro6 ?
  • Oui, j’     ai remarqué. On en parle dans ton bouquin, insiste-t-il ?
  • Les mouettes semblent apprécier le site. Ne dirait-on pas qu’elles se goinfrent, les cochonnes ?
  • Tu veux dire…
  • Elles ont « donné le mot à toute la maison ». Je site de mémoire : « Pêchant d’un bec ravisseur l’étron nourricier ».
  • C’est quoi, le titre ?
  • Penses-tu que mes lectures influencent à ce point mon sens de l’observation ?
  • Au moins tes comptes rendus.
  • Les jeux de l’amour et du hasard.
  • Cet alexandrin ne sort pas de ce bouquin ; et je ne vois pas le rapport.
  • « Tu as pillé cette galanterie-là quelque part ». Tu es parisien ?
  • Oui. Etudiant en éthologie.
  • C’est quoi ?
  • L’étude du comportement des animaux dans leur milieu naturel.
  • C’est pour ça que tu aimes les poils et que tu prends la défense des mouettes ?
  • Au lycée avec des potes on avait organisé une bourse du poil. Celui qui réussissait à coucher avec une fille devait lui arracher quelques poils de la chatte afin d’alimenter notre banque. Les poils avec racine étaient les mieux cottés. On se les échangeait et on les collait dans un cahier en mentionnant la date, le nom du récoltant et le nom de la donneuse.
  • Et aviez-vous le choix ?
  • Le choix ?
  • Dans la date7 ?
  • Le plus souvent c’était inopiné8.
  • Tu as encore ce cahier ?
  • Ma mère est tombée dessus en faisant le ménage dans ma chambre et l’a brulé. Et toi, qu’est-ce que tu glandouilles ?

Comme par hasard, les preuves avaient définitivement disparu ; ce qui devait bien arranger ce mégalo, pensé-je.

  • L’année prochaine je rentre au lycée me faire arracher les poils de la chatte. Qu’est-ce que tu fais à Nice ? À part un restaurant pour chiens je ne vois pas bien ce qui peut t’attirer dans cette ville de vieux.
  •  Je fais ma thèse sur le phénomène Tupperware.
  • « Assurément, cela est singulier ». Tu étudie aussi les hommes ?
  • Bien sûr. L’éthologie étudie aussi les hommes.
  • Mais ils n’ont pas d’environnement naturel !
  • L’éthologie étudie aussi les êtres vivants en milieu expérimental.
  • L’homme vit donc dans un milieu expérimental ?
  •  L’homme est un animal expérimental.
  • C’est trop philosophique pour moi. Mais je retiens que tu aimes les expériences.
  • Sais-tu ce que signifie Tupperware ?
  • Non.

Je souris de toutes mes dents à mon compagnon de plage qui a relevé ses longues jambes poilues et embrassé ses genoux pour mieux se concentrer. Je m’amuse à compter ses vertèbres et ma main profite de son excitation intellectuelle pour avancer sur la serviette éponge, tel un bernard-l’ermite vadrouilleur.

  • Figure-toi que Tupperware est construit avec « to upper », vers le haut, et « ware », vaisselle, article. Autrement dit, ingénierie de l’empilement, plus précisément de l’emboitement.
  • Toujours plus haut « cher joujou de mon âme », dis-je en caressant les couilles froides d’Armand à travers le tissu humide du maillot de bain.

Armand avale sa salive et poursuit.

  • J’essaie de comprendre comment ce concept d’emboitement, qui n’est pas sans rapport avec les poupées russes, a redonné un sens à la vie de millions de Bovary.

Un sourire angélique sur mes lèvres boudeuses, je commence à masser les couilles d’Armand sans perdre un seul mot de son divertissant exposé.

  • Peut-être l’obsession obstétricale des petits plats dans les grands, enchaîne-t-il ; ou le concept d’étanchéité (la femme n’est pas étanche). Bref, j’ai les meilleures raisons du monde d’être là.
  • Es-tu homosexuel, Armand ?
  • Ça ne t’intéresse pas, ce que je dis ?
  • Au contraire, ma main est une sphère de Dyson qui capte par emboîtement l’énergie de tes couilles afin que nos esprits s’unissent à la rencontre du Star Maker. II se trouve que sa Vadorissime a un gros sexe. Les hommes qui ont un gros sexe sont souvent homosexuels.
  • C’est de l’anthropologie de gardien de phare.
  • De l’anthropologie de poupée russe, nuance !
  • Et quel destin réserves-tu aux hommes fortement burnés ?
  • Peut-être que la symbolique dont ils sont porteurs les hisse au statut de demi-dieux dont la compagnie est recherchée par les hommes de complexion plus modeste qui espèrent recevoir une partie de leur puissance en se prostatant9 devant eux.
  • La puissance des parties est toujours supérieure à la somme des puissances des parties, conjecture Armand. Tiens, demande au vendeur de chouchou, il a un gros sexe lui aussi.
  • Lui c’est différent ; avec ce qu’il vend, il est obligé d’avoir un gros sexe.
  • Le marketing crée l’organe. Mais dis-moi, et toi ?
  • Moi j’ai un gros cul mais je ne sais pas si j’ai un grand vagin.
  • Tu es vierge ?
  • Oui. Et je compte le rester.
  • Si on allait discuter de tout ça devant une pizza brulante, je meurs de faim. Je me présente, Armand Bodin.
  • Amandine Luz.
  • Enchanté. Hé bien Amandine, permets que je t’invite à déjeuner.
  • La meilleure pizzéria de Nice est juste derrière.
  • C’est parti !

Armand troque son slip mouillé contre un élégant short à pinces en coton d’Egypte. II couvre son torse déjà bronzé, d’un teeshirt aux armes de l’université de Paris – d’azur à trois fleurs de lys d’or, au chef à la nuée d’argent d’où sort une main en supination tenant un livre de gueules à deux fermoirs d’or à trèfle du même, aux mors et nerfs de sable et à tranche de queue d’argent – et recoiffe ses cheveux blonds au moyen d’une brosse en soies de sanglier. Ses lunettes de soleil font croire à la vie éternelle. Je passe ma robe et chausse mes tennis ; ma culotte rétrécie par le sel rejoint le soutien-gorge au fond du sac, avec le Marivaux.

  • Rince-toi bien les pieds Armand, tu risques d’en avoir besoin sous la table.
  • J’aime bien les poils de ta robe, Amandine.
  • Ce n’est pas parce que tu connais mon nom que tu dois devenir grossier.
  • Excuse-moi. Chez l’homme, la goujaterie est l’extériorisation d’une admiration refoulée. Touts les éthologues te le diront.
  • Tu démarres au quart de tour, Armand. Ce n’est pas la première fois que je le constate.
  • C’est très collège de fille, ça. Mais il est vrai que je suis réglé au quart de poil.

II fait frais sous les voutes du passage Garibaldi. Je me serre contre Armand. Il m’enlace tendrement. L’endroit donne derrière les restaurants de la place du marché. Des mitrons prennent le temps de fumer un clope avant le coup de feu de treize heures. Des cartons abandonnés par des clochards jonchent le sol. L’air iodé dissipe un peu les odeurs d’urine et colore cet entre-monde d’une note mélancolique. Un sentiment d’abandon, de retour et d’ivresse hante ce lieu de passage.

  • J’ai envie de te sucer Armand.
  • Pourquoi Amandine ?
  • Pour vérifier que tu n’es pas malade.
  • Tu as des doutes ?
  • Je doute donc je suce, dit Descartes. Je sens que je tombe amoureuse d’un grand connard à moustache et, en tant que présidente de l’association des buveuses de sperme du passage Garibaldi, je veux savoir quel goût tu as, c’est tout.
  • Ici, dans cette odeur d’urine ?
  • Pourquoi pas. Si la prudente volupté transporte moins nos cœurs, elle les amuse davantage, dit Julien Offray de La Mettrie dans L’art de jouir.

Je relève légèrement ma robe pour qu’Armand puisse, dans la pénombre du passage, voir affleurer derrière la fine barrière de tissus les deux globes de chair blanche. Cette vision achève de le convaincre qu’il ne s’appartient plus. Tandis que ma main gauche s’occupe sinistrement du système de fermeture, ma main droite s’insinue dextrement par la jambe du short, jusqu’aux couilles déjà hautes. Le short qui a glissé sur mon bras maintient prisonniers les genoux d’Armand. Une odeur de crème solaire s’échappe du vêtement. La pine d’Armand est parfaitement raide. D’une carnation plus soutenue, les bords du gland saillent largement comme les marges charnues de certains champignons xylophiles. Les veines souples et gonflées de la hampe légèrement cambrée rendent la prise ergonomique et agréable. Je m’amuse avec le prépuce. La peau ultrafine du gland est lisse et tendue comme un capot de Panhard. Le frein presque blanc est ancré très haut. Une goutte de sirop de réglisse perle déjà aux lèvres du méat. Je pose l’extrémité de la langue sur la larme lubrifiante et tire un long fil dont je teste la substance insipide ; je désenclave les couilles et draine plusieurs fois le conduit avec le pouce : la goutte grossit à vue d’œil. Je dépose dans le creux de ma main une noisette de salive et coiffe brusquement le gland qui bondit sous la caresse. Je masse un court instant le membre congestionné et m’enduit les lèvres de la précieuse liqueur. Je remonte prudemment jusqu’à la bouche d’Armand pour lui faire goûter le nectar. Le baiser énivrant et profond tourne la tête au garçon. Je ne m’attarde pas et redescends en relevant ma robe sur mon ventre pour plus de commodité. Pris de vertige, Armand regarde remuer doucement mon cul énorme. Je me demande comment il peut supporter un bonheur aussi grand. J’introduis le membre dans ma bouche. C’est la première fois que je fais ça avec un homme (ce qui se passait après le catéchisme compte pour du beurre). Des larmes de félicité coulent sur les joues de mon enfance. Je serre tendrement la base du gland entre mes dents, puis mes lèvres prennent le relai avec une caresse plus longue et plus serrée. J’aspire progressivement en tirant vigoureusement sur les couilles, puis repart en apnée dans la gorge profonde. Je laisse aller mes fesses rythmiquement au gré de la caresse. Armand s’appuie sur le mur. Cambrée au maximum, je tends au vent du large mon anus dilaté et ma vulve moussue. Un sperme lilial et abondant inonde brusquement mon palais. Ravie, je bois longuement le jus vanillé de mon amant. Soudain, des sons de voix courent sous les voutes. Armand me relève, tire ma robe sur mes fesses et m’embrasse. Il me dit que mes joues sont rouges et brûlantes, que mes lèvres ont doublé de volume, que je suis très appétissante. Il m’embrasse longuement, ivre de phéromones. L’instant dure une éternité.

  • Et ça, c’est très collège de fille, je lui demande dans un souffle ?
  • Je pense que je vais te faire sauter plusieurs classes.

Je relis ces pages écrites il y a plusieurs années.

A l’époque, je voulais revivre à l’infini ces moments précieux. Pour me souvenir que la vie était là, sous chaque galet, sous chaque papier gras, entre les feuilles des poireaux, au pied de chaque mur, mêlée au salpêtre et à l’urine des chats. Peut-être, était-ce par l’écriture que je vivais plus intensément ma vie, comme les herbivores ruminent avec délice les tiges arrachées à la hâte durant les heures précédant l’ombre, comme nos songes ruminent nos misérables existences : « O Vénus ! combien peu sentent le prix de tes faveurs ! Combien peu se respectent eux-mêmes dans les bras de la volupté ! ». Ce n’est pas Voltaire qui aurait écrit ça.

Aujourd’hui ce journal me protège d’une consolation qui me ferait regretter de ne plus sentir ce que j’ai perdu ; même s’il fait la part belle aux phantasmes. Je ne peux m’empêcher d’inventer ma vie et de fabriquer les souvenirs de mes plaisirs passés, aussi incertains soient-ils.

Peut-être écrivais-je ce journal à l’attention de celui qui le découvrirait un jour par hasard et se poserait la question de savoir si ces récits sont véridiques ou imaginaires. Vous doutez donc je suis. Ma propre mémoire vacille. Mais quelle importance maintenant ? N’est-il pas trop tard ? Se peut-il que le vertige ait tant d’attrait ? Je poursuis ma lecture.

La pizzeria est bondée. Toutes les places en terrasse sont prises. A l’intérieur, les culs tassés sur des bancs de douglas, les clients attablés courbent le dos sous les hurlements hystériques des serveurs. L’endroit est immonde et survolté. Ça sent la sueur, la friture, l’eau de toilette pour sous-homme et la crème solaire pour femme battue. Pour rassurer Armand qui est sur le point de renoncer, je souris comme l’ange peint à la gauche du seigneur sur le frontispice de l’église Notre-Dame de la Télépathie, dans le douzième arrondissement de Paris. Par chance, deux places se libèrent près des toilettes. Ce n’est pas un jeu d’enfant de se glisser entre les mangeurs de pizza avachis pour atteindre la table qui nous a été attribuée. La fellation de tantôt m’a laissé le sexe en feu et j’en profite pour me frotter à chatte que veux-tu contre les dos de ces messieurs-dames, entrainant à ma suite un Armand emprunté et peu coopératif. Il y a des dos larges et gras, doux et tièdes, dont les propriétaires d’un naturel passif se laissent faire en souriant, arrondissant davantage leur anatomie à mon passage. Je m’excuse tant bien que mal en prenant appui sur une épaule moelleuse, un cou poilu, une calvitie délicatement ridée par le soleil du midi. Entre saute-mouton et cheval d’arçon je peaufine ma technique. La première cuisse passée, je marque un temps pour reprendre mon souffle, prise en sandwich entre les deux masses opposées. Je laisse le tissu absorber la sueur de mes fesses et presse mon clitoris sur les vertèbres tièdes. Rouge de honte, Armand suit de près pour faire écran du mieux qu’il peut, lorsque je lève bien haut la deuxième jambe pour permettre à mon corps de passer l’obstacle et basculer plus avant, en direction de notre nid d’amour. Echauffées par l’exercice, les petites lèvres de mon sexe ont pris la teinte du filet d’anchois longtemps mariné dans la saumure. Comme de minuscules arrêtes, souples et transparentes, enracinées sur les tribunes gonflées qui garnissent les grandes lèvres, de jeunes poils fanatiques se tendent vers les douces arènes de chair, acclamant frénétiquement le petit gladiateur qui vient de faire son apparition. Armand semble fasciné par le spectacle de ce monde sauvage dissimulé au cœur de la forêt primaire amazonienne.

Il y a des dos plus nerveux, plus musclés, plus entreprenants, qui viennent à ma rencontre avec de saillantes apophyses. Il n’est alors pas rare qu’une main encourageante se pose sur la mienne au moment précis où le dinosaure entre dans l’arène pour combattre mon favori. Mon visage s’effarouche soudain et mes reins se cambrent sous l’assaut. De minuscules gouttes de sueurs tapissent mes tempes bourdonnantes et de grandes plaques rouges marbrent ma gorge. C’est alors un spectacle différent qui s’offre à Armand quand je lève en tremblant ma cuisse vacillante : les arènes ont été défoncées par le monstre, le gladiateur exténué, livide, penche la tête piteusement sur le côté, la queue du reptile ayant laissé dans les tribunes de larges hécatombes.

Quoique lente et semée d’obstacles, notre progression reste maîtrisée, régulière et parfaitement sereine. Quelques encouragements de la part des mâles alpha donnent à l’incident un tour festif inattendu. Enfin, au terme d’un valeureux périple, nous arrivons au havre convoité : une petite table carrée pour deux pizzas. Mais c’est le cadet de nos soucis, le plus insignifiant, le plus microscopique, le plus, comment dire ? C’est ça : le plus comment dire de nos soucis. Je m’installe face à la salle encore toute vibrante de notre sillage. Je ne veux pas abuser de la bonne volonté de ces honnêtes gens en exposant à leur appréciation mon séant que la position assise fait gagner en force et en sagesse. Armand n’est pas mécontent de tourner le dos à l’assemblée : il se voit mal répondre d’un sourire complice aux clins d’œil de l’appréciation populaire. L’atmosphère se détend. Porté par deux ailes de vinyle blanc, un serveur se matérialise à nos côtés, dépose sur la table une coupelle emplie de petits fruits noirs parfumés au sérum physiologique, et nous arrache la commande.

  • Signora ?
  • Una pizza Angelina, per piecere.
  • Signore ?
  • Des pâtes avec du bacon, un œuf et de la crème fraîche, s’il vous plaît.
  • A la carbonara ! E per bevere, questi signori e signore ?
  • Une grande carafe d’eau et deux cocas, interroge Armand ?
  • Si.

 Choisissez un éléphant adulte, prélevez 65 cm de pied que vous évidez soigneusement ; laissez sécher plusieurs jours sous le soleil et badigeonnez l’intérieur avec du goudron. Enfin, déposez dans le pied un parapluie à manche en forme de tête de canard : vous aurez une idée de l’effet qu’a sur le serveur mon sourire approbateur. Il bat un instant des ailes, son corps s’élève au-dessus de la houle menaçante des dos, puis prend son essor vers son formidable destin.

  • Objectivement, quand tu as dit oui au serveur, on aurait cru qu’il t’avait demandé si tu voulais qu’il te lèche.
  • Je ris de bonheur.
  • Pourquoi ris-tu, belle enfant ?
  • Tu me traites d’enfant avec le cul que je me paye ?
  • Pour l’instant je ne vois que ton visage.
  • Le spectacle de mon sexe endolori t’aurait-il rendu cajoleur ?
  • Pourquoi dis-tu cela ?
  • Je t’ai observé tout à l’heure, quand nous cherchions un passage entre les dos des mangeurs. Au lieu de se précipiter pour frayer un chemin à sa belle, monsieur l’explorateur me collait au cul en me laissant lever la jambe plus qu’il n’est décent pour une jeune-fille de ma qualité.
  • Surtout quand elle ne porte pas de culotte.
  • Une petite culotte avec tous ces poils, ça serait indécent.
  • Désolé de te contredire mais compte tenu de la surface de tes fesses, tu n’as pas tant de poils que ça.
  • La vérité est plus complexe. Si je te parle de ma pilosité et te la montre à tout bout de champ, c’est qu’en réalité je veux que tu ne t’aperçoives pas de son évolution. J’espère ainsi que l’habitude rendra ma métamorphose indétectable. Car je ne sais pas encore à quoi je ressemblerai à la fin de l’été. Je crains le pire.
  • Cela ne me dit pas pourquoi tu ris.
  • Je ris de me voir si poilue dans le miroir de tes yeux.
  • Tu es vraiment obsédée. Avoue que tu prenais plaisir, tout à l’heure, à te frotter sur les dos des clients.
  • Je ne pouvais guère faire autrement sans les déranger davantage.
  • Ils ont bon dos les clients. On croirait entendre la fille du patron.
  • Je ris de bon cœur.
  • Tu es un rigolo dans ton genre.
  • J’ai une théorie là-dessus.
  • Voyons, Monsieur le théoricien.
  • Une femme qui rit est une femme qui commence à jouir.
  • Eh bien, me voilà bien avancée !
  • Que puis-je faire de plus ? Tu veux que nous allions dans les toilettes ?
  • Attendons au moins que le serveur nous apporte à manger. On aura l’air fin quand on nous aura piqué notre table. En ce qui me concerne, je pense plutôt que si femme qui rit est à moitié dans ton lit, c’est parce qu’elle en sort !
  • Il y a de la teigne en toi. Je suppose qu’il faut mettre ta méchanceté sur le compte de la stupeur hormonale des adolescentes.

Machinalement, je dépêche un doigt vers mon sexe tout chiffonné pour remettre un peu d’ordre dans mon royaume. Discrètement, je porte ledit doigt à mes narines et ferme les yeux un court instant : je souris. Choisissant une belle olive dans la coupelle, je demande à Armand d’ouvrir la bouche pour me faire pardonner. Celui-ci se prête au jeu et tend les lèvres de bonne grâce.

  • Elles sont épicées, ces olives. Leur odeur m’évoque vaguement quelque chose.

Avec le même bonheur, je renouvelle l’expérience. Puis me vient l’envie de me fourrer quelques olives dans le cul. La fermeté des petites niçoises facilite l’exercice. Mon anus aspire les fruits avec la voracité invisible de l’anémone de mer. Discrètement, je constitue une réserve de cinq ou six olives, pour la route.

J’explique à Armand que je ne peux pas m’empêcher de me fourrer toutes sortes de trucs dans le cul. Je ne sais pas d’où ça vient. Que s’est-il passé à cet âge dont on a aucun souvenir ? Ou plutôt, qu’est-ce ce qui ne s’est pas passé après ? Je n’ai jamais été en compétition avec ma mère. Mais mon père étant absent, je n’ai pas eu la possibilité de le séduire. J’ai dû me débrouiller avec des ersatz de figures parentales pour me bricoler un surmoi. Je n’ai en réalité jamais eu à accepter de limites. Etant surdouée, comme le sont tous les enfants, j’ai passé mon temps à essayer de faire valider ma perversité polymorphe par des camarades de mon âge, éprouvant un malin plaisir à les entrainer dans mon délire.

  • Plus sérieusement, j’ai une théorie très aboutie sur le rire, monsieur l’éthologue.
  • À la bonheur, madame je-me-gratte-les-fesses-devant-tout-le-monde.
  • Le rire est une façon de se découvrir les dents. Quand ils se rencontrent, les animaux qui en sont pourvus montrent leurs dents pour déterminer celui qui va dominer l’autre. Le sourire est l’évolution de ce comportement primitif. L’humour est l’antichambre du sourire et la politesse des dictateurs. Faire rire c’est décider à quel moment l’autre va montrer ou non ses dents, c’est exercer un contrôle sur la capacité de l’autre à retrousser ses babines. Selon toi, pourquoi la chute d’un homme provoque-t-elle le rire ?
  • La chute est un acte manqué qui permet à l’homme de montrer ses fesses en signe de soumission, exprimant inconsciemment le désir de se faire enculer ; l’expression involontaire de ce désir le ridiculise et provoque le rire de ses congénères qui ne sont pas dupes. D’ailleurs, dans ridicule, il y a cul.
  • Vous n’y êtes pas, Monsieur je-prends-mes-désirs-pour-des-réalités. L’animal qui s’écroule est celui auquel les forces viennent à manquer. Il sera impitoyablement dévoré par la meute avant que celle-ci reprenne le cours de son voyage. Il est donc normal que ses commensaux découvrent leurs dents à ce signal.
  • Impressionnant. D’où te viennent ces idées désespérées ?
  • J’observe la nature le soir au fond des arrêts de bus.

La pizza est chaude, moelleuse, piquante, acide, crémeuse, légèrement cramée. Mon plaisir est un peu gâché par l’odeur de vomi du parmesan de mauvaise qualité dont Armand a saupoudré ses carbonara.

  • Ma cuisinière fait des carbonara qui sentent meilleurs.
  • Tes parents ont une cuisinière ?
  • Elle s’appelle Solange. Ma mère est morte à ma naissance et mon père est en voyage d’affaire. Depuis toute petite, je passe mes étés à Nice dans notre pied-à-terre, en compagnie de Nicole, ma gouvernante, du professeur Gracieux, mon précepteur, et de Solange. Ils sont ma famille. Voila, j’ai anticipé les questions qui t’auraient brulé les lèvres en attendant que tes carbonara refroidissent. Il y a aussi ma copine d’enfance Angelina, qui doit bientôt nous rejoindre. Nous sommes comme deux sœurs ; ce qui donne un parfum d’inceste à notre relation.
  • Elle est comment Nicole ?
  • Elle est gentille et charmante. Je la considère un peu comme ma mère. Mais c’est avec le professeur que tu t’entendrais le mieux.
  • Et ton père, il passe de temps en temps ?
  • Sans prévenir, en coup de vent. Il reste un jour ou deux puis il repart. Tu devrais venir dîner un soir à la maison.
  • C’est une invitation ?
  • Tu arriverais discrètement en faisant le mur ; tu me rejoindrais dans ma chambre et nous leur ferions la surprise en descendant main dans la main le grand escalier de pierre.
  • Ta chambre est à l’étage ?
  • Une glycine permet d’accéder sans difficulté à ma terrasse.
  • C’est comme si nous y étions.
  • Tu pourrais venir ce soir, me retirer les olives que j’ai dans le cul.
  • Je ne dis pas non.
  • Passe vers dix-neuf heures. Je dois y aller, là. J’ai rendez-vous avec le vétérinaire. On a un problème avec le chien.
  • Tu n’as pas fini ta pizza !
  • Tu peux manger ma croûte, si tu veux.

Nice, le 7 juillet 1998, le soir.

La cloche du portail retentit. C’est sans doute Armand. Au même instant, la grosse BM de Nicole écrase le gravier. Mû par un mécanisme télécommandé, les portes s’écartent en silence. J’entends Armand qui explique qu’il a rendez-vous avec moi. Il ne sait pas que Nicole est une femme du monde. Il doit s’imaginer je ne sais quoi. Nicole klaxonne.

  • Profitez-en, elle est à poil sur la pelouse.
  • Vous n’avez pas de chien, demande Armand indécis en s’accrochant à sa bicyclette ?
  • Le chien a eu un accident cardiaque hier, c’est drôle que vous en parliez.
  • Je ne savais pas, excusez-moi.
  • Ce n’est rien… Allez-y !

Avec une impudeur qui ne me ressemble pas, je traverse en plein soleil les quatre mètres de gazon qui me séparent de la voiture. Mon corps est d’une blancheur obscène. J’accueille Armand avec un sourire juvénile et lui donne un baiser appuyé à la commissure des fraises10. Les aréoles à peine soulevées de mon adolescence sont d’un rose fuchsia intense. Je crois que je suis amoureuse. Je m’arrête à deux mètres de la voiture, les tennis légèrement écartées, les bras ballants, nimbée de grâce avachie.

  • Maman, je vous présente Armand, mon nouveau petit copain.
  • Enchantée, Armand… Je vous laisse, ma chérie, je dois organiser le repas. Vous dinez avec nous Armand ?

Armand est intimidé. Il a sans doute remarqué que Nicole a des gros seins. Pas énormes, mais parfaitement mis en valeur. Je réponds à sa place.

  • Bien sûr, maman !
  • Très bien. A tout à l’heure, les amoureux.

La femme du monde s’éloigne dans le ronronnement de sa somptueuse machine décapotable.

  • Ta mère m’a dit que votre chien a eu un accident ?
  • Ce n’est pas ma mère, et le chien n’a pas eu d’accident. On l’a retrouvé mort sur ma terrasse. Le cœur a lâché. Selon le vétérinaire, il a été victime d’une insolation. Il parait que c’est fréquent chez les gros chiens.
  • Je suis désolé.
  • Merci. Ça reste entre nous mais je pense que je l’ai trop branlé.
  • Tu branlais ton chien ?
  • Je l’ai sucé aussi.
  • Tu déconnes ! Alors, ça a quel goût, le sperme de chien ?
  • Figure-toi que ç’est comme ça que j’ai compris pourquoi le chien est le meilleur ami de la femme. Tu as le même goût que lui ! Tu fais partie de la même meute !
  • Je n’aime pas l’odeur du chien mouillé.
  • Au pif le chien.
  • Explique.
  • Chien mouillé, doigt mouillé, au pif, au pif le chien, et paf le chien est mort.
  • Tu as remarqué, avoir du pif, c’est avoir du flair ; c’est le contraire de « y aller au pif », c’est-à-dire au hasard. En tous cas tu ne l’as pas loupé ton clébard.
  • « L’on meurt de hasard ».11 Viens, je vais te faire visiter le parc.

Je passe devant Armand, bien consciente qu’il a les yeux rivés sur mon puissant postérieur de centaure.

  • Prête-moi ton tee-shirt.

Docile, Armand enlève son tee-shirt avec des coquetteries abdominales qui sentent bon le sable chaud. Il me le tend. Je m’en sers pour me bander les yeux. Je suis sûr qu’Armand va se sentir plus à l’aise ainsi. En guidant son guide, il pourra fantasmer comme un bouc qui aperçoit un berger.

  • Je le connais par cœur, ce parc ; ça sera plus amusant pour moi de le faire visiter les yeux fermés. Sort ta queue, tu vas me guider !

Armand ne se fait pas prier. Il retire même son short. Le membre sur lequel je pose la main est déjà bien développé. J’ouvre la marche, le bras tendu en arrière, laissant aller et venir sous mes doigts la verge abandonnée aux caprices de la marche. Le soleil déclinant applique sur ma cuise une caresse brulante qui picote. Mes semelles s’enfoncent dans le sol souple du parc avec des craquements inaudibles. Tout va pour le mieux. Nous sommes nus comme en l’éden et partons à la recherche de l’arbre de vie. J’explique à Armand les essences que je reconnais à la douceur rugueuse de leur écorce contre ma joue ; les digitales toxiques du remblai dans lesquelles on introduit le doigt avant de faire le vœu d’avoir une fille et un garçon avec le prince charmant de la maison d’en face ; les centaurées scabieuses allumées dans la rocaille, efficaces dit-on contre l’acarien qui sarcle les chairs galeuses ; le lupin blanc à l’amertume acérée comme une dent de loup ; la morgeline qui fait le délice des poules et d’excellentes salades ; les coussins d’œnothère qui attirent les ânes sauvages comme Armand ; la renouée farfouilleuse qui colonise la moindre fente ; la valériane officinale qui a une odeur désagréable, comme les aisselles de Solange. Reconnaître une plante, c’est raconter une histoire.

Nous voici arrivé au bord de la pinède. Certainement lassé par la botanique diachronique12, Armand se rapproche et incère une main à l’humeur invasive entre mes lobes musclés dont le soleil du soir couvre d’or les pubescences adventices. Les deux fruits gorgés de glucose, suent une sève transparente aux coulures alléchantes.

  • Accroche ton short à une branche, ça sera plus simple.

J’appuie mes paumes contre un tronc. Je sens sous mes doigts l’écorce crevassée d’un pin parasol. Une goutte de résine me poisse une éminence thénar. Quelque part au-dessus de moi, une cigale se rappe les cuisses à intervalles réguliers. Je demande à Armand de vérifier que je n’ai pas une bête entre les fesses. Armand s’agenouille, saisit les chairs à pleines mains et sépare les deux blocs.

  • Armand au rapport : les poils descendent comme de petits arbres jusqu’à l’argile souple et glissant de l’anus. J’écarte davantage : tel un oued miraculeux dans la fournaise, la muqueuse apparait, brillante, avec des reflets de steak bleu. Tout paraît normal. Terminé.
  • Lèche-moi le cul.

Armand pose le bout de sa langue sur la pastille acidulée. Tout mon corps se cambre. L’aquarelliste procède par touches légères, laissant aller le doux pinceau par-ci par-là. Puis s’enhardissant, l’homme-colibris enfonce son organe buccal dans le nectar sucré de la fleur, le retire aussitôt, puis replonge de plus belle. L’orifice s’invagine davantage sous l’effet des vas et viens du prince de la canopée. Les mains affirment leur prise, écartant les fesses au maximum. Armand s’engage jusqu’aux gencives, sa langue gonfle comme un gros lézard putride, nettoyant les replis sensibles du cratère qui semble vouloir l’aspirer. Le nez écrasé contre les chairs, il se laisse gagner par l’ivresse. Sa bite doit être douloureuse. J’aimerais sentir battre son pouls dans le creux de ma main. Je suis sûr que son méat commence à suinter. Je lui décharge une salve d’olives musquées dans le gosier et, telle Bup la mouflette, profite de l’effet de surprise pour me redresser. J’arrache le bandeau et le tends à Armand qui recrache les noyaux.

  • Vite, remets ton tee-shirt !

Pris de court et imaginant quelque danger, Armand se laisse entrainer cul nu à travers le parc en direction de la maison. Sa bite bat furieusement contre ses cuisses.

  • Où allons-nous, s’enquit-il, le nez encore empli des senteurs de la jeune bergère courant après ses chèvres ?
  • Dépêche-toi, Maturin ! Ne pose pas de questions. J’ai l’impression qu’on nous surveille.

Nicole nous attend en haut du grand escalier de calcaire.

  • Le dîner est prêt. Va t’habiller Amandine. Et vous Armand, venez avec moi.

Désemparé, Armand me signale qu’il a laissé son short dans la futaie.

  • Ton tee-shirt est plus long que mes robes. De toutes façons, tu seras assis.

Armand craint surtout de ne pas pouvoir maîtriser son érection. J’essaie de lui venir en aide en gravissant l’escalier quatre à quatre. Il arrive en haut des marches, une demi érection au bas du ventre. Armand se jette sur le bras que lui présente Nicole et se laisse entrainer à l’intérieur de la maison, comprimant son sexe de la main restée libre. Les bois des meubles cossus accrochent doucement la lumière satinée de la fin de journée. Une odeur de maison de campagne circule, entrainant dans son sillage une meute de souvenirs d’enfance. Les objets les plus utilitaires ont cette note de bon goût qui donne aux choses une valeur un peu illusoire mais laisse accroire à ceux qui les découvrent, que le monde appartient à d’autres gens que vous. Nicole plaque sa hanche presque nue contre la hanche presque nue d’Armand. Le froissement du tissu synthétique de la doublure de viscose saupoudre sur nos cerveaux enflammés un poivre d’une finesse pénétrante. Le parfum de Nicole fait paraître ses seins plus lourds qu’ils ne sont et donne à sa chair une consistance de sable humide un peu tassé. Le martellement des talons effilés de l’hôtesse sur les tomettes de la salle à manger met nos périnées au supplice. Je file m’habiller.

Armand est prié de s’asseoir à la droite de la maîtresse de maison, en face du professeur Gracieux, un petit homme sans âge et sans sourcils qui souhaite poliment la bienvenue au jeune homme. Comme l’œil gelé du mammouth au bas du glacier, son regard bleu est brouillé par plusieurs dioptries de verre correcteur. Curieusement, sa poignée de main est ferme, enveloppante et chaude.

  • Amandine !
  • Me voilà !

À longues enjambées silencieuses, je m’avance vers la tablée sur mes chaussures à semelles compensées en caoutchouc cranté. Ces manières de bottines prennent le mollet sur une quinzaine de centimètres dans un enchevêtrement croisé de lacets. Mes jambes sont mises en valeur par l’échancrure maximale de mon body à col roulé. Afin de cacher ma pilosité, j’ai opté pour un demi pagne zapara13 en llanchama14 que mon père m’a rapporté d’Amazonie. Le string du body sépare mes fossettes sacro-iliaques avant de disparaitre entre mes fesses. J’espère que je plais à Armand. Je réalise trop tard que je vais avoir le cul marqué par la paille de la chaise.

Une petite femme boulotte entre dans la pièce, chargée d’un plat de poissons crus. C’est Solange. Elle est vêtue d’une robe rétro noire à boutons de bakélite, et de bas de soie assortis. Ses chaussures vernies claquent sur les tommettes avec un empressement déplaisant. Ses cheveux noirs tirés en chignon accentuent la pâleur de son visage à la fois strict et doux. Un visage de gamine obéissante sur un corps de femme (décidément). Un petit tablier blanc de soubrette complète ce personnage sans attrait mais tellement attendrissant. Elle pose le plat au milieu de la table entre les photophores emplis de cire rouge, s’essuie le front du revers de la main, se plaint de la chaleur en roulant les r.

  • Vos robes sont trop ajustées, Solange, la gourmande Nicole, et vos tissus ne sont pas de saison.
  • Ma condition ne me permet pas de mettre des robes légères. Madame le sait bien.
  • Faites-moi plaisir Solange, mettez-vous à l’aise. Armand, vous n’y voyez pas d’inconvénient ?
  • Non, bien sûr.

Nicole fait honneur à Solange en ouvrant le repas.

  • Solange a vécu trois ans au Japon, elle a appris là-bas tellement de choses : son poisson cru est un ravissement. Que chacun se serve !

Un ravissement ! Pourquoi pas un régal pendant qu’on y est !

Monsieur Gracieux ne donne pas sa part aux chiens. Son appétit fait plaisir à voir. Pour nuancer une première impression calamiteuse, Nicole se sent obligée de faire l’apologie du professeur.

  • Monsieur Gracieux est un océanographe mondialement connu. Il s’est occupé de l’aquarium de Monaco, pas très loin d’ici. C’est un savant qui réfléchit beaucoup sur l’avenir de la pêche, le stockage du gaz carbonique dans les océans, les villes flottantes, la faune des abysses, la géopolitique des atolls et j’en passe. Les Oméga 3 du poisson cru conviennent parfaitement à son activité cérébrale hors du commun. Et vous Armand ? A quoi consacrez-vous votre temps, quand vous n’éjaculez pas sur Amandine ?

Mon dieu, la tête d’Armand !

  • Ne vous formalisez pas, Armand, Amandine me raconte tout ; je suis une mère pour elle, et elle est une fille pour moi.
  • Je suis éthologue.
  • Puisque vous vous intéressez à Amandine, je suppose que vous étudiez les comportements extrêmes.
  • J’écris une thèse évolutionniste sur le caractère pervers des réunions Tupperware pratiquées par les femmes de trente à cinquante ans.
  • C’est passionnant. Qu’en pensez-vous professeur Gracieux ? Solange ! Vous pouvez apporter la suite.

La voix de Solange nous parvient étouffée, comme si sa tête était enfermée dans un sac de jute.

  • Si je m’en tiens aux poissons qui sont, après vous, les êtres que je connais le mieux, se lance le professeur avec malice, il est certain que leur parade nuptiale collective est un comportement qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer en matière de perversité : leur corps tout entier se métamorphose ! Les mâles deviennent de véritables machines à produire du sperme, leur peau squameuse prend des couleurs incroyables, autant dire obscènes. A leur décharge, les femelles ne peuvent ovuler qu’à la vue de ces changements spectaculaires. Je crois qu’on peut parler ici d’érotisme évolutionniste à l’état pur. Sans perversité, pas d’évolution !

Sur cette déclaration flamboyante, Solange fait son entrée en poussant une crédence à roulettes chargée de viandes parfumées. La cuisinière a ôté sa robe pour se conformer aux instructions de Nicole. Afin de faire plus habillée, elle a fardé ses lèvres d’une épaisse couche de rouge. Dans le soutien-gorge à baleines, sa poitrine sans sel est secouée de gros bouillons et, derrière le petit tablier de coton blanc qu’elle a, pour les besoins du service, pris soin de ne pas abandonner, ses fesses charnues sont parcourues à chaque pas de furieux tremblements qui semblent prendre naissance dans la tête des fémurs. Cette nouvelle version de Solange est décidément au goût de monsieur Gracieux. Par coquetterie, elle a gardé ses bas et son porte-jarretelles. Ses jambes musclées par l’aquagym conservent à sa démarche un semblant de dignité. Les cuisses comprimées par le bord de la table, elle se penche en avant pour poser les cailles au raisin sur le dessous de plat de terre cuite artisanal « made in China », acheté sur un marcher provençal de la région. Sa culotte moule sa chatte grasse épilée avec soin. Monsieur Gracieux a du mal à contenir sa joie. Armand qui bande mauve tel le mandrill des hauts plateaux, juge bon de changer de sujet de conversation.

  • Et votre père, Amandine, que fait-il dans la vie ?
  • Dans la vie, comme probablement plus tard dans la mort, mon père est et restera éternellement en voyage d’affaire. Tu te doutes bien que le confort dont bénéficie ma famille ne peut être obtenu qu’au prix d’une dépense d’énergie considérable. Et ce n’est pas en écrivant des bouquins de cul, tout évolutionnistes soient-ils, qu’on parvient à un tel résultat. Mon père est un mercenaire de la haute finance qui joue au taquin avec les fuseaux horaires.
  • Il est souvent absent ?
  • C’est très variable. Il se pointe toujours à l’improviste, les bras chargés de cadeaux, pour éviter de nous serrer dans ses bras.
  • Soit plus indulgente avec ton père, Amandine, tu sais combien il t’aime.
  • Pourquoi à l’improviste, fait diversion Armand qui appréhende les histoires de famille ?
  • En fait, il est souvent présent depuis plusieurs jours quand il fait son apparition. Peut-être nous observe-t-il en ce moment même. Nos résidences sont aménagées de telle sorte qu’il puisse vivre à nos côtés sans que nous le sachions. La plupart des pièces sont équipées de dispositifs qui lui permettent de nous observer à sa guise au plus secret de notre intimité. Aussi, quand il disparaît, nous ne sommes jamais certains qu’il soit parti. Ainsi sommes-nous moins tristes.
  • En temps qu’éthologue vous auriez, je pense, plaisir à vous entretenir avec lui. C’est un remarquable observateur, ajoute fort à propos Nicole.
  • C’est impressionnant, en effet.

J’agite avec un entrain non factice mes deux courtes nattes et j’annonce à qui veut l’entendre qu’Armand m’a demandé de l’aider à terminer sa thèse.

  • A la terminer ou à la commencer ?
  • Pour être honnête, madame, j’ai beaucoup d’idées mais assez peu d’écrits. Par contre, j’ai constitué un important corpus photographique et réalisé un grand nombre d’interviews.
  • Mais, Amandine, quelles dispositions avez-vous pour aider notre ami dans sa tâche ? Vous n’avez pas encore de seins et vous voulez participer à des réunions Tupperware !

Même après des années, je me laisse encore surprendre par les bouffées de méchanceté de Nicole. J’encaisse. C’est naturel chez elle. Et l’approche de la ménopause ne vas rien arranger. Je décide de réagir.

  • Vous regretterez vos mondanités cérébrines de chanoinesse, Nicole, quand Armand aura attaché les vôtres : je veux qu’ils soient aussi tendus, aussi agressifs que les artichauds violets qu’on trouve le dimanche, Cours Saleya.

L’ambiance est bonne pour les pigeons (elle est en miettes). Une petite plume de fion d’angoncule15 s’est immobilisée au-dessus de la table, comme un insecte pris dans un ambre aux lueurs ultra-baltiques. Un silence épais coule sur les visages des convives, comme la cire fondue des cierges du monastère des Clarisses urbanistes de Lons-le-Saunier.

  • Solange, allez nous chercher de la corde, ordonne Nicole d’une voix autoritaire.

L’œil de monsieur Gracieux tournoie dans le pot au feu de ses dioptries ; sa petite bouche fermée sur d’invisibles lèvres le fait ressembler à un ver.

  • Et si nous mangions en attendant ! Ces petites cailles ficelées commencent à m’exciter terriblement, déclare Nicole.

J’ai mal au clitoris. La tension du body est devenue insupportable. Discrètement, je tâte les intumescences douloureuses de mon entre-cuisse. Ça ne fait qu’empirer. Le principe du body m’interdit de dégrafer le dispositif de fermeture.

Solange est de retour. Son accoutrement un tantinet ridicule n’a pas gagné en classe. Ses aisselles dégagent une odeur forte.

  • J’ai aussi apporté le martinet au cas où madame aurait envie de me corriger ; je fais tellement de bêtises.
  • Vous avez bien fait mi querida16. Donnez la corde à monsieur Armand. Avez-vous déjà attaché les seins d’une femme, demande-t-elle en baissant les bretelles de sa robe ?
  • Heu… Non, je dois avouer une inexpérience la plus totale en la matière.
  • Approchez, je vais vous guider.

Il se lève sans chercher à dissimuler davantage son érection. Relevé par le vit, le tee-shirt découvre les couilles un peu blettes d’Armand.

  • N’ayez pas peur, prenez la corde par son milieu. Oui comme ça.

Pour illustrer son propos, Nicole saisit les couilles d’Armand.

  • Imaginez que mes seins soient vos couilles. On vous a déjà attaché les couilles, Armand ?
  • Heu… Non.

Nicole commence à triturer les testicules fuyants du garçon pendant que les autres convives continuent de désosser les cailles.

  • Passez la corde autour de ma poitrine. Non, pas comme ça : au-dessus des seins pour commencer, comme ceci. Vous devez d’abord constituer une base de soutient. Oui, c’est bien. Moins vite Armand, prenez votre temps. Ne serrez pas, c’est le nombre des tours qui doit provoquer la contention, pas le serrage.

Les doigts de Nicole sont diablement efficaces. Aux tressaillements de paupières d’Armand, l’on devine que les spermatozoïdes participent à une rave party sous le scrotum. J’imagine en salivant les petits serpentins douloureux et leurs torsades qui durcissent.

  • Maintenant, le plus délicat reste à faire. Vous devez traiter chaque sein séparément. Solange, apportez-nous le désert, voulez-vous.

Lentement, Armand enroule la corde autour du sein droit. L’organe s’arrondit, la peau matifie, l’aréole brune s’agrandit en s’éclaircissant comme un dessein sur une baudruche. Nicole a cessé de parler, ses lèvres se gercent, ses joues s’enflamment, des plaques rouges envahissent sa gorge, elle halète doucement en grimaçant. Le sein est maintenant tout à fait méconnaissable et n’a plus aucune ressemblance avec son frère avachi. Sa couleur violette inquiète et fascine Armand dont les mains tremblent ; ses yeux interrogent, il hésite.

  • L’autre ! Lâche Nicole dans un souffle en pressant davantage les couilles d’Armand.

Elle saisit un testicule dans chaque main pour avoir plus de force. A mesure que le travail avance, elle intensifie son massage : Armand en a des étourdissements. Il se demande sans doute comment il va pouvoir achever sa besogne. Heureusement, l’arrivée du dessert crée une diversion.

  • Ho ! Qu’est-il arrivé à Madame ?
  • Ne vous inquiétez pas Solange… De la crème renversée ! Vous savez pourtant que j’ai horreur des desserts trop sucrés !

Monsieur Gracieux, que cette histoire commence à échauffer, a sorti son vit de son pantalon. Bien qu’il soit assis, le gland de son formidable chibre dépasse de la table comme au ras de la banquise la tête d’un phoque en quête d’oxygène.

  • Solange, prenez des initiatives, m’offusqué-je, vous voyez bien que le professeur est en difficulté.

L’obéissante et dévouée servante s’agenouille sans façon au pied du savant et commence à calmer son membre en lui faisant un cataplasme avec ses nichons.

Les deux seins de Nicole sont maintenant parfaitement jumeaux, comme deux gros pamplemousses au bord de l’explosion.

  • Solange ! Vous êtes incorrigible ! Laissez donc monsieur Gracieux tranquille ! Venez plutôt soulager ma douleur.

Confuse, Solange se relève et courre au secours de sa patronne en détresse.

  • Enduisez-moi les seins de crème renversée ; vous ne l’aurez pas préparée pour rien.
  • Ho, les pauvres seins, pleurniche Solange, que leur est-il arrivé ?

D’une main experte, la cuisinière tartine copieusement les deux fruits douloureux à grands coups de taloches affectueuses. L’entremets sort du réfrigérateur ; Nicole respire. Elle en profite pour dégrafer le soutient gorge de Solange.

  • Ho, Madame, ne faites pas ça. Ayez pitié.

Privés de leur soutient, les seins de Solange s’effondrent jusqu’à son ventre en deux flots de chair liquide.

  • Ça vous apprendra à penser un peu aux autres. Vous voulez donc qu’on écope du diabète ? Mais ce genre de problème ne vous concerne pas. Vous verrez quand vous aurez mon âge, petite égoïste. Maintenant, vos seins sont plus flasques que votre crème renversée, se moque-t-elle ; ça vous dissuadera de vous en servir pour attraper des bites. Amandine ! Au lieu de vous empiffrer dans votre coin, venez donc me lécher la poitrine ! C’est votre dessert préféré, n’est-ce pas ?

Je lève le nez de mon assiette et m’approche de Nicole. En passant, je soulève le tee-shirt d’Armand : le sexe apparait, turgescent. J’empaume le gland cramoisi et l’enduit complètement de liquide pré-éjaculatoire en glissant au jeune-homme un énigmatique :

  • Alors Gary17, ça farte comme tu veux avec madame Mado18 ?

Je porte ma main à mon visage et inspire avec passion cette odeur qui me dilate les narines. C’est suave, légèrement acide, aphrodisiaque, antidépresseur.

  • Solange ! Retirez votre culotte je vous prie ; on doit s’occuper de monsieur Gracieux, regardez dans quel état vous nous l’avez laissé. Il ne peut décemment pas rester ainsi ; que va penser notre invité ? Un peu de miséricorde que diable ! Pendant ce temps vous recevrez la punition que vous méritez. Vous allez vous installer sur la crédence, elle est juste à la taille du professeur. Mais avant, ôtez vos bas et allez enfiler vos cuissardes, ça vous évitera d’avoir les jambes marquées. Quant à vous Amandine, vous avez pris assez de plaisir dans le bois ?
  • Mais maman, nous avons juste visité le parc !
  • Visiter ton cul ! Je vous ai observés avec les jumelles petite garce. Je veux que vous subissiez ce que vous avez demandé à Armand tout à l’heure. C’est la meilleure façon de vous éduquer. Allez récupérer une seringue à pâtisserie en cuisine. Vous me garnirez le colon de crème renversée. Et ne me jouez pas un vilain tour !
  • Comme vous voudrez, maman.

Sur le chemin des cuisines, je croise Solange en cuissardes et nous échangeons rapidement quelques battements de paupières complices.

Quand je reviens avec mon ustensile, Solange fait déjà un angle droit docile, à plat ventre sur la crédence, le menton dans le vide. Ses hauts talons pointus mettent à bonne hauteur ses fesses en papier mâché. Ses lolos pendent de chaque côté du plateau, c’est rigolo. Le professeur lui caresse les joues avec son gland.

  • Armand, ne vous éloignez pas, je vais administrer à Solange la correction que son manque de discernement réclame !

Nicole brandit le martinet et l’abat sur la croupe trémmulante de l’employée de maison. La marque des lanières apparait immédiatement sur la chair livide, arrachant à Solange un petit cri de contentement.

  • Madame me fait mal, minaude-t-elle !
  • Ne me nargue pas, femelle fétide. Tu vas comprendre ta douleur.

Redoublant de violence, Nicole lacère la peau fine avec application, dans tous les sens du derme. La couenne boursouffle comme si elle était ficelée avec des fils de laine rouge. Solange pousse un cri à chaque assaut.

Ne pouvant supporter de voir la belle bouche de Solange déformée par de si pitoyables plaintes, monsieur Gracieux introduit son gros pénis entre les lèvres peintes. Solange se calme instantanément et Nicole peut poursuivre sereinement son œuvre rédemptrice. Quand elle lève son fouet, le bondage tire sur ses seins et ses yeux se plissent de douleur. Mais la courageuse femme ne faiblit pas. Son bras s’abat en rythme, secouant ses pamplemousses violacés qui semblent sur le point de se détacher.

Les bourses d’Armand ont presque disparu. Il n’ose pas toucher son sexe de peur d’éjaculer. Il craint, si cela se produisait, d’avoir à subir un châtiment pour mauvaise conduite.

Les fesses enflées de Solange sont maintenant entièrement quadrillées. Par endroit, le sang commence à perler. La servante ponctue chaque sifflement de lanière d’un violent coup de tête sur le vit qui étouffe ses pleurs. Des larmes coulent doucement sur ses joues distendues.

  • Ecartez les cuisses que je vous fouette la moule, hurle Nicole, la bouche déformée par la fureur.

Comme Solange garde les cuisses serrées, Nicole demande à Armand d’attacher les chevilles de la récalcitrante aux pieds de la crédence.

Nicole profite du contretemps pour lécher les plaies ferrugineuses de Solange, cependant que le vit de monsieur Gracieux continue de masser les amygdales de sa protégée.

C’est le moment. J’écarte le pan de la robe de Nicole. Je m’en doutais, elle ne porte pas de culotte. Je lui enfonce délicatement la seringue dans l’anus. La croupe bascule, j’appuie lentement sur le piston et commence à remplir le colon de crème renversée. Nicole prononce des mots obscènes. Après ses seins, c’est au tour de son ventre de se tendre.

J’en suis à ma septième seringue et je commence à avoir mal au bras.

  • C’est bon, ma chérie. Tu peux te mettre en place, tu sais ce qu’il te reste à faire.

D’une langue experte, je tranquillise l’anus irrité. Nicole s’arcboute, les bras tendus, et pousse comme une vache. Armand nous regarde, horrifié, la bouche entrouverte, les dents de la mâchoire inférieure projetées sur le devant de la scène.

  • Bon appétit. Et je ne veux pas une goutte sur mes tommettes.

Nicole évacue par le cul de longs jets de crème que j’avale à grandes goulées. Il m’est difficile de garder le tempo. J’essaie tant bien que mal de ralentir le flux en obstruant le conduit avec ma langue. Mais ça a pour effet inverse d’élargir le passage et je manque de m’étouffer. Pour freiner l’ardeur de la déféqueuse, j’introduis deux longs doigts dans son vagin et j’appuie sur l’intestin à travers la paroi. Furieuse, Nicole éructe quelques jurons qui sont au-dessus de ses forces, puis revient à la charge, tend son abdomen douloureux comme un siphon et expulse dans ma bouche un mélange de chyme et de gaz. La crème renversée a maintenant la texture aérienne d’une crème Chantilly. Je continue d’avaler en pensant que tout ça ne va pas arranger mes problèmes de poids. Ma seule consolation est de savoir que ces calories seront stockées dans mes fessiers et ne viendront pas épaissir mon doux visage adolescent.

Un peu désœuvré, Armand s’agenouille derrière moi. Il passe sa langue sur mes fesses granuleuses irritées par la paille et boursoufflées de petites plaques d’urticaire. Il tâte l’épais bourrelet de mes lèvres à travers le body et sent à quel point le clitoris est contraint sous le polyester. Il masse un instant le bouton qui stresse comme un animal pris au piège : il est temps de libérer le petit chaperon rouge !

Ce n’est pas une mince affaire. Nonobstant la tension du tissus et l’épaisse toison qui encombre mon entrecuisse, Armand parvient à dégager les trois agrafes rebelles qui, tel Cerbère tricéphale, montaient la garde à la porte du royaume. La partie postérieure du string reste coincée entre mes fesses tandis que la partie antérieure soudainement libérée est projetée contre mon pagne d’écorce. Lorsqu’il écarte mes fesses, les agrafes s’envolent et l’une d’elles vient s’ancrer à une touffe de poils sur l’une de mes grandes lèvres. Je pousse un cri de douleur. Armand désemparé tente sans succès de réparer la bavure. Il ne fait qu’aggraver la situation. Eperonnée par la souffrance, j’enfonce un doigt rageur dans l’anus de Nicole et constate que le flux de crème est tari. Je lâche l’affaire et prends la position du wallaby agile pour faciliter l’intervention d’Armand.   

  • Tu m’as donné envie de pisser, ma fille. Tiens, bois !

Nicole se cambre brusquement et m’inonde d’un jet d’urine parfumé à la caille aux raisins. J’en ai plein les cheveux. Je me redresse furieuse et m’aperçois qu’il est déjà vingt et une heure trente à la pendule.

  • Monsieur Gracieux, vous n’avez pas oublié que nous devons aller chercher Angelina à l’aéroport. Si nous ne partons pas immédiatement elle va s’inquiéter.
  • C’est vrai, ma grande.

Aussitôt dit, aussitôt fait, le professeur extrait délicatement son pénis de la bouche de Solange.

  • Désolé de vous abandonner Solange, s’excuse-t-il en se réajustant.

Monsieur Gracieux est vraiment un homme délicieux.

  • Le temps d’attraper un short et j’arrive, lancé-je.
  • Rejoignez-moi à la voiture, Amandine.
  • Armand, je n’ai pas terminé de corriger Solange, prenez la place du professeur, je suis persuadée que vous allez être un assistant à la hauteur. Je vous interdis d’éjaculer, vous devez garder votre sperme pour Amandine. Si vous éjaculez, vous prendrez la place de Solange, c’est la règle. Solange, vous savez ce qu’il vous reste à faire pour mettre fin à votre supplice.
  • A bientôt mon amour, dis-je en touchant la moustache d’Armand qui hésite à approcher sa bouche de mon visage qui sent l’urine. Avant de partir, il faudra aider Solange et Nicole à tout remettre en place. N’oubliez pas d’éteindre les chandelles, c’est dangereux. Ne gaspillez pas la cire chaude. Armand, il faudra la verser sur les seins de Nicole et le cul de Solange, elles adorent ça. Mais en attendant, garde la tête froide, sinon cette cire pourrait bien être utilisée pour apporter du craquant à tes fesses en compote. Tu as affaire à des pâtissières chevronnées, tu vas beaucoup apprendre. J’ai confiance en toi, ne me déçois pas !

Sur ces paroles d’encouragement, j’abandonne l’éthologue aux mains expertes de Nicole et à la bouche accueillante de Solange. Je rejoins la voiture qui murmure dans l’allée, près du cyprès.

  • Ne soyez pas triste monsieur Gracieux, vous savez qu’Angélina a le cœur sur la main. Ce long voyage a dû la rendre folle ; vous ne regretterez pas.
  • Ne vous tracassez pas pour moi, cariño.

La nuit tombe sur la promenade, les palmiers agitent lentement leurs doigts vers le ciel mauve. Je frisonne. Sur ces rivages, le vent fait semblant. Jamais il ne dépasse le stade de la bourrasque.

  • Je n’ai pas eu le temps de me laver les cheveux.
  • Les esquimaudes se lavaient les cheveux avec de l’urine, pour les fortifier.
  • Je vous l’ai déjà dit, vous êtes un professeur formidable.
  • Merci, Amandine. Vous êtes un ange.

Je ne sais plus trop quand j’ai décroché. Je commençais à avoir de la philosophie ras le boudoir et souhaitais donner à ce repas un tour plus radical pour me venger des vilaines façons d’Armand. Mais on a continué à discuter Tupperware, poisson-scie et oméga 3. J’espère que notre amour naissant va résister à la routine et aux banalités jusqu’à la fin de l’été. Angelina va m’aider à donner envie de revenir à mon grand couillon. Elle a toujours de bonnes idées et fait plus que son âge. En plus, elle aime bien les moustachus. Je trouve ça con, mais bon. Et puis, avec ses seins…

Personne n’est censé lire ce journal, mais je préfère rappeler que l’imaginaire fait partie de ma vie. Il a donc sa place dans ce journal au même titre que la description d’événements authentiques ou l’expression de souhaits déjà exhaussés.

Quoi qu’il en soit, ce repas commence à m’ennuyer ferme. Ce n’était pas une bonne idée. Avec mes grosses grolles à la mode, je ne peux même pas faire du pied à Armand. Plus je me tortille sur ma chaise, plus j’ai le cul qui gratte. Foutue paille. Pour tuer le temps, je m’amuse à faire passer la crème renversée entre mes dents. Nicole minaude en posant sa main sur l’avant-bras poilu d’Armand. Le professeur pique du nez dans ses cailles en attendant le café. Dans sa robe à col claudine, Solange sent de plus en plus fort. Plus qu’un quart d’heure à tenir avant d’aller chercher Angelina à l’aéroport avec monsieur Gracieux. J’espère qu’on prendra la décapotable. Oh oui, s’il vous plaît ! J’ai des joies simples, vous savez.

Il va falloir que j’annonce à Armand qu’il va devoir rentrer chez lui avec sa bicyclette. Nicole lui proposera de rester coucher. Il refusera poliment. Il me recontactera peut-être (je ne prends jamais les coordonnées de mes amants, c’est Nicole qui me l’a enseigné).

J’ai envie de retourner au Brésil, retrouver Angelina et des salons de thé d’un autre temps. Une envie de guitare et de mélancolie. Paris n’est pas la capitale paisible que j’imaginais. Mais ce n’est qu’une impression. Je crains que partout où j’irai, je trainerai les affreuses hardes du dérèglement de l’esprit et des sens. Il semble pourtant que ces derniers temps mes fantômes soient rappelés l’un après l’autre à leurs gouffres sans fonds. Soudain, j’ai peur que tous disparaissent. Ces fantômes griffus ont pris soin de moi. Je n’ai jamais connu qu’eux.  J’ai appris à les aimer. Les fantômes sont-ils préférables à la solitude ? Je me rappelle que je porte un enfant. Difficile d’être moins seule. Je vais passer un coup de fil à Nicole pour qu’elle me débarrasse de ces sentiments de quai de gare. J’espère qu’il ne lui est rien arrivé. Elle sera la première à savoir.


Notes

  1. Le début du journal est une carricature inversée du début de Du côté de chez Swan de Marcel Proust. ↩︎
  2. Jeu de mots avec Japon. ↩︎
  3. Du latin caruncula, diminutif de caro (chair). Certaines excroissances charnues qui se voient au front, à la gorge, aux sourcils des oiseaux. ↩︎
  4. Monstre du cinéma japonais. ↩︎
  5. Le moustachu ↩︎
  6. Exprime ouvertement un passage du coq à l’âne avec jeu de mots avec neiges. ↩︎
  7. Le choix dans la date : contrepèterie (le doigt dans la chatte). ↩︎
  8. Jeux de mot avec pine. ↩︎
  9. Jeu de mots avec prosterner. ↩︎
  10. Jeu de mots avec confiture de fraise. ↩︎
  11. Référence à la chanson de Brel « La ville s’endormait ». ↩︎
  12. Qui concerne la diachronie, l’évolution des faits linguistiques dans le temps (opposé à synchronique). ↩︎
  13. Peuple indigène d’Amazonie présents au Pérou et en Équateur. ↩︎
  14. Ecorce tannée. ↩︎
  15. Néologisme. Petit ange (cf. homoncule, petit homme). ↩︎
  16. Ma chérie (espagnol). ↩︎
  17. Gary Cooper. Jeux de mots avec les glandes de Cooper. ↩︎
  18. Référence aux chansons de Boby La Pointe d’une part (Madame Mado m’a dit ; avec un jeu de mot avec madhî, liquide pré-éjaculatoire). ↩︎

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