La moquerie est-elle nécessaire ?


Tout peut être sujet à moquerie. En premier lieu, soi-même. Wiktionnaire nous dit « Origine obscure. Apparenté au vénitien mocar (moquer, dire des paroles inutiles) ». Ça m’arrange. Comme ne disait pas Nietzche, l’inutile n’est pas utile, il est indispensable ! Les intentions du moqueur sont variées et ses mobiles obscurs : se faire accepter, se mettre en valeur, attirer l’attention, séduire, se faire pardonner, détendre l’atmosphère, exprimer une angoisse, cacher son trouble, faire diversion, masquer sa gêne, créer une connivence, ridiculiser, détourner l’attention sur autrui, dénoncer, faire souffrir…

La moquerie est-elle un exercice littéraire utile ? On peut le supposer si l’on considère les unes des journaux, satiriques ou non : il y a souvent de la malice dans les grands titres. Y a-t-il de la littérature dans les unes des journaux ? La question reste ouverte.

La moquerie est-elle un exercice littéraire facile ? Pas évident. On peut facilement faire dans le facile, dans le jeu de mot gratuit, le superficiel, le propos salace… Mais diable qu’on aime ça !

Enfin, peut-on plaisanter de tout avec tout le monde ? Certainement pas. Rares sont les personnes avec lesquelles on ne peut pas plaisanter, mais chacun est réceptif à un type d’humour particulier : calembour, jeux de mots, pipi-caca, sexuel, morbide, naïf, intellectuel, dirigé contre les autres, carricature, être la cible, politiquement incorrecte, religions, hommes, femmes, nains homosexuels de couleur handicapés belges, etc. Et tout dépend de la personne à laquelle s’adresse la plaisanterie, de son éducation, de ses angoisses, de ses frustrations, de son appétit. Si tous ces critères sont pris en considération, la plaisanterie est efficace. Le plaisantin est souvent un aimable inquisiteur attentif à toutes sortes de signaux qui émanent de son auditoire, et qui ne cède pas facilement au plaisir de faire un bon mot. Il faut parfois attendre que le contexte et la personne soient réunis, avant de sortir une plaisanterie à laquelle on a pensé trois ans auparavant. En réalité, le plus souvent, je n’attends pas trois secondes ; mais je me soigne.

Comment font alors les comiques professionnels ? Ils ne font pas dans la vanne opportuniste. Ils contextualisent et se concentrent sur les situations universelles, rarement sur des effets de langage comme DEVOS, et ils jouent un rôle, ce sont des acteurs avant tout : « C’était pendant le COVID, j’étais coincé chez ma copine, je glandais toute la journée. Un jours en rentrant du boulot elle m’a demandé, et si tu descendais la poubelle pour changer, ça refoule grave quand on entre dans cette piaule ? Je lui ai répondu que j’allais voir, niveau calories dépensées, est-ce que ça pouvait le faire, ou est-ce qu’il ne valait pas mieux continuer comme avant, qu’elle descende la poubelle le matin en partant travailler. On était en mode survie dans vingt-six mètres carrés, pas question de prendre des risques inutiles. En plus il y avait la litière du chat. Je ne maitrisais pas encore le sujet. Il était peut-être prématuré de prendre une décision. En plus ma copine était à fleur de peau ce jour là, elle avait ses règles, il y avait des serviettes hygiéniques plein la poubelle, je ne voulais pas qu’elle soit gênée. C’est vrai, des fois les filles n’aiment pas qu’on mette le nez dans leurs affaires. Je ne voulais pas être trop invasif. C’était déjà sympa de sa part de ne pas me faire payer de loyer. Bref, elle a rompu et m’a foutu dehors. Je me demande comment elle fait maintenant avec la poubelle. Est-ce qu’elle la descend un jour sur deux ? C’est vrai, il y a moins de déchets maintenant que je suis parti. Mais ça se discute. Son chat reste seul, il doit gratter davantage dans sa litière, et en mettre un peu partout. Je dis ça mais attention, je ne maitrise pas le sujet. Je ne suis pas resté assez longtemps. »

Quand on fait une plaisanterie, on n’est pas au spectacle, on joue sur la surprise, on est opportuniste, on rebondit sur un propos devant un auditoire restreint.

On peut se moquer :

Faut-il se moquer de soi-même ?

Attention, il n’y a que les plaisanteries qu’il faut prendre au sérieux, le reste n’est que bavardage et dissimulation.

  • Si je n’avais pas existé, il aurait fallu que je m’invente (paradoxe mégalo)
  • Je pense que je suis donc je suis (lapalissade cartésienne)
  • Je suis un athée pratiquant (paradoxe spirituel)
  • Plus j’arrive à convaincre, moins je suis sûr de moi (paradoxe misanthrope)
  • La paresse, ça se travaille (paradoxe philosophique)
  • Tuer le temps est une activité à plein temps (paradoxe philosophique)
  • Je n’aime pas les cochons d’inde, je préfère les dindes cochonnes (chiasme cochon)
  • Je choisis toujours mes copines au doigt mouillé (celle-là, je ne l’ai encore jamais faite)
  • Je ne voudrais pas me vanter mais j’en ai déçu plus d’une (paradoxe ironique)
  • J’essaie de rester en bonne santé pour pouvoir assister à mon enterrement (paradoxe du verre complètement vide)
  • Soixante ans !  J’ai l’impression d’avoir encore vingt ans… à vivre (polysémie du désespoir)

Faut-il se moquer des titres ?

Ce chapitre peut être prétexte à devinette (les réponses sont entre parenthèses)

  • Hystérique le gaulois (BD Astérix le gaulois) : apologie du dopage
  • Le silicone dans la vallée (roman Le lys dans la vallée) : un symbole phallique à peine masqué (contrairement à son cousin le concombre)
  • Un fils allopathe (pièce Un fil à la patte) : rien à voir avec la pièce qui de toute façon est une grosse farce confuse
  • Le singe d’une nuit hantée (pièce Le songe d’une nuit d’été) : jeu de miroirs grimaçants où seule la magie peut venir à bout de la folie des hommes
  • J’irai faire caca sur vos tombes (roman J’irai pisser sur vos tombes) : on reste dans le ton, c’est drôle.
  • Les nez hideux des vigiles (poème épique L’Enéide de Virgile) : un peu moqueur mais à la guerre comme à la guerre
  • L’espion de mémé (roman et film L’espion qui m’aimait) : ma grand-mère adorait Sean Connery.
  • La peau usée de François vit long (Poésie de François Villon) : un poète qui a eu la vie dure.
  • Vivement dimanche qu’on déprime (émission Vivement dimanche)
  • Les femmes préfèrent les grosses (film Les hommes préfèrent les grosses) : sans commentaire.

J’en profite pour vous indiquer un petit jeu que vous pouvez pratiquer une fois par an sur l’autoroute du soleil. Nous sommes probablement plusieurs à l’avoir inventé tellement il est simple. Simple mais efficace car il allie culture et langage.
Règle : chacun son tour, faire deviner le titre d’une œuvre quelconque, en proposant un titre dans lequel les mots du titre original ont été remplacés par leurs contraires approximatifs. A chacun de justifier ses choix (prise de chou assurée).
Si personne ne trouve vous pouvez donner un indice (nom de l’auteur, ou type d’œuvre).
Exemples :

Titre inversé (proposé)
1. À l’est rien de nouveau
2. A l’est que du périmé
3. À l’ouest de l’enfer
4. La jeune femme ou l’acide
5. La répudiation de l’automne
6. Le jour de l’espace
7. Les grandes guêtres vertes
8. L’objectivité de l’être
9. Un séjour dans l’atmosphère
10. Mourir pour le pire
11. Le bruit que je déteste
12. Les divorcés des fauteuils privés
13. Pars (Higelin)
14. La java et le jazz
15. Les pieds d’un homme dans l’eau
Titre original (à deviner)
1. Il était une fois dans l’Ouest (Leone)
2. A l’ouest rien de nouveau (Maria)
3. À l’est d’Éden (Steinbeck)
4. Le vieil homme et la mer (Hemingway)
5. Le sacre du printemps (Stravinsky)
6. La nuit des temps (Barjavel)
7. Le Petit chaperon rouge (Perrault)
8. Le parti-pris des choses (Ponge)
9. Le voyage au centre de la Terre (Vernes)
10. Vivre pour le meilleurs (Johny)
11. La Musique que j’aime (Johny)
12. Les Amoureux des bancs publiques (Brassens)
13. Ne me quitte pas (Brel)
14. Le Jazz et la Java (Nougaro)
15. Les Mains d’une femme dans la farine (Nougaro)

Faut-il se moquer des paroles des chanson ?

Comment Te Dire Adieu (1969) Françoise HARDY (paroliers : Jack Gold / Arnold Goland) :

Sous aucun prétexte
Je ne veux
Avoir de réflexes,
Malheureux
Il faut que tu m’expliques
Un peu mieux
Comment te dire adieu
Sous aucun prétexte
Je ne veux
Te montrer mes fesses
Malheureux
Il faut que tu m’expliques
Un peu mieux
Comment le faire à deux

Besoin De Rien, Envie De Toi (1985) Peter et Sloane (paroliers : Bernard Estardy / Chantal Richard / Jean-pierre Savelli / Marie-jose Zarb) :

Besoin de rien envie de toiBesoin de toi envie de rien

Faut-il se moquer des noms des plats sur les menus ?

Menu dégustation

Une Entrée au choix

  • Becquerels de brochet farci aux algues de Fukushima
  • Lombric albinos à la provençal
  • Salmigondis de carotte sauce égoutier

Un plat au choix

  • Lasagne de placenta façon goupil
  • Perte de génisse aux cinq parfums et sa grabataire de légumes
  • Abas de volaille façon station d’épuration et son qui vivra verra de saison
  • Crassagne de homard d’Étretat et ses trois étrons
  • Testicules de loup en chevillette façon grand-mère

Un dessert au choix

  • Sorbet de tripe
  • Prunes précoces et leur coulis de sperme de ragondin
  • Beignets de sphincter à la fleur de sel
  • Tarte aux croupions

Faut-il se moquer des unes ?

  • Un enfant né sous X porte plainte contre X (l’abandon en question)
  • Une balle perdue dix de retrouvées (guerre)
  • L’orang-outan c’est de l’argent (temps – déforestation)
  • Le thon c’est de l’argent (temps – surpêche)
  • Héritage : l’impôt sur le revenant (revenu – héritage)
  • Sondage : les femmes aiment bien les gros salaires (à l’air)
  • Quand le pouvoir d’achat n’est pas là les souris dansent (jeunesse)
  • Passe ton bac d’abord, tu te suicideras après ! (quels débouchés pour les jeunes ?)
  • Rien ne sert de courir avec un permis à points (circulation routière)
  • Des fringues pour les filles des flingues pour les garçons (éducation)
  • L’argent ne fait pas le bonheur des pauvres (pouvoir d’achat)
  • À l’impôt nul n’est tenu (à l’impossible…)
  • On n’a pas attendu 68 pour faire des 69 (libération sexuelle)
  • N’oubliez pas de faire votre déclaration d’amour 2022 (Saint-Valentin)
  • Faut-il interdire la fessée le dimanche ? (polémiques sur la fessée et sur le travail le dimanche)
  • Un flic de plus c’est un délinquant de moins (gilets jaunes)

Faut-il se moquer des slogans publicitaires ?

  • Les mousquetaires de la constipation partent en guerre contre le viscère (distribution, la vie chère)
  • Mon rêve céréalisé (s’est réalisé)
  • Un café nommé j’ai envie de baiser (nommé désir)
  • Quatre roses ça va, six roses bonjour les dégâts ! (bourbon Four roses, cirrhose)
  • Envoyez-vous en l’air avec libido.com (Liligo.com, comparateur spécialisé dans le voyage)
  • La vie est trop courte pour s’habiller long
  • La fête des Loges, une fête qui déménage ! (qui déloge)
  • Des nones se damnent pour Danone
  • L’abus de sexe nuit gravement à la santé (note au bas d’une publicité pour préservatifs)
  • Alpha Romeo la voiture des mâles alpha ! (Alors Juliette, heureuse ?)

Faut-il se moquer des annonces de la RATP ?

  • Attention, ne soyez pas susceptibles, des pickpockets sont susceptibles d’agir dans la station !
  • Fermez bien vos sacs, ne tentez pas les pickpockets, surveillez vos effets personnels. La RAPT vous souhaite un bon voyage au pays des voleurs !
  • Suite à une avarie du système de freinage ce train sera sans arrêt jusqu’au terminus.
  • Dans quelques instants le personnel de la RATP passera parmi vous pour vous contrôler l’anus. Merci de leur faciliter la tâche.
  • Suite à un nettoyage ethnique station Auber le trafic est ralenti sur l’ensemble de la ligne
  • Les organes des voyageuses sont invités à descendre
  • Prochain train dans 10 minutes, le suivant dans 3 minutes.

Faut-il se moquer des épitaphes ?

  • Sortez-moi de là ! Forte récompense.
  • Je ne sais toujours pas ce que je veux faire plus tard
  • Les cigales sont en grève
  • Les vacances vont enfin pouvoir commencer
  • Et vous, c’est pour quand ?
  • Je remercie ma prostate pour tout le plaisir qu’elle m’a procuré
  • Merci de rappeler antérieurement

Faut-il se moquer de l’héraldique ?

Avant tout je vous conseille ce site épatant sur l’héraldique

Vous verrez, ce n’est pas compliqué et c’est un vrai plaisir, au carrefour de l’histoire, du graphisme et du langage !

Voici par exemple les armes de l’université de Paris :

D’azur à trois chibres d’or, au chef à la purée d’argent d’où sort une main en supination tenant un livre de gueules à deux fermoirs d’or à trèfle du même, aux mors et nerfs de sable et à tranche de queue d’argent.

Pour renforcer l’aspect élitiste de l’exercice, utilisez du vocabulaire spécialisé : anatomie (supination) ; reliure (fermoirs, mors, nerfs, tranche de queue).
La juxtaposition de ces mots techniques et de mots triviaux (à la place de « fleurs de lys », et de « nuée ») est du plus bel effet. La trivialité est masquée par la formulation très codifiée du genre. La plaisanterie potache est particulièrement adaptée au sujet (blason d’une université).

On se moque ici de l’arrogance des édiles et des symboles le plus souvent phalliques utilisés sur les blasons.


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